12 & 13 juin 2012 : conférence du Réseau européen à Omagh (Irlande du Nord)

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LogoNAVT_150Mardi 12 et mercredi 13 juin 2012

Séminaire du réseau européen à Omagh organisé par le collectif « Omagh Support & Self Help Group »

L’une des deux conférences annuelles du Réseau Européen des Victimes du Terrorisme (NAVT) s’est tenue pour la première fois à Omagh (Irlande du Nord / Royaume Uni), et une délégation de l’AfVT.org a eu l’honneur d’y assister : Guillaume DENOIX de SAINT MARC, Annabelle DELORY et Stéphane LACOMBE.

L’attentat le plus meurtrier commis en Irlande du Nord

Omagh est une ville du Comté de Tyrone, en Irlande du Nord, située à une centaine de kilomètres de Belfast. Elle compte environ 23 000 habitants.

Samedi 15 août 1998 à 15h10 : une voiture piégée explose en bas de Market Street, la principale artère commerçante du centre-ville.

Le bilan est terrible : 31 morts, dont une femme enceinte de deux jumeaux, plus de 300 personnes blessées et près d’un millier d’autres traumatisées. Plusieurs bâtiments sont pratiquement détruits et devront être reconstruits.

Si l’on prend en compte le nombre total des victimes, chaque habitant connaît personnellement au moins une personne tuée ou blessée dans l’explosion. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier jamais commis en Irlande du Nord, dans une ville jusque-là épargnée par les violences communautaires.

Malgré l’ampleur de la tragédie, les victimes et la société civile surmontent leur douleur et mobilisent leur énergie à la mémoire des disparus. Dans toute l’île, de nombreux soutiens s’affichent en faveur du plan de paix rejeté par certains extrémistes dissidents qui viennent de commettre l’irréparable.

Trois jours après la tragédie, le Parti socialiste républicain irlandais (IRSP) qui est la branche politique de l’Armée nationale de libération irlandaise (Inla) appelle à cesser les violences et la lutte armée, et ce malgré son opposition initiale à l’accord de paix.

Omagh est une ville martyre qui représente surtout le symbole concret de la leçon de courage et de fraternité donnée par les victimes du terrorisme à la société tout entière.

Cette photo a été prise quelques minutes
avant l’explosion de la voiture piégée en bas, à droite.
(c) Droits réservés

Omagh : le film

Après avoir été révélé par son film Bloody Sunday, consacré à la répression sanglante d’une manifestation de protestation en Irlande du Nord par l’armée britannique, le cinéaste Paul Greengrass décide de mettre en chantier un second film consacré au conflit irlandais.

Accaparé par ses projets hollywoodiens (la mise en chantier du deuxième volet de la série d’action consacrée à Jason Bourne), il ne peut assurer lui-même la mise en scène.

Ce qui ne l’empêche pas d’écrire le scénario et d’assumer la production de ce métrage simplement intitulé Omagh.

Lorsqu’on visionne le film qui sera finalement réalisé par Pete Travis, il n’y a pourtant aucun doute. Le style percutant de Paul Greengrass transpire à chaque minute dans le rythme, la manière de filmer, la narration. Outre l’attentat dont le déroulement est reconstitué avec beaucoup de réalisme (même si la production n’a pu tourner à Omagh même), le récit est centré sur le combat de Michael GALLAGHER, porte-parole des familles des victimes, pour obtenir que les coupables soient traduits devant la justice.

Michael GALLAGHER
(c) Droits réservés

Omagh n’est pas un film comme les autres : il constitue l’un des rares exemples cinématographiques à prendre clairement parti en faveur du combat des victimes du terrorisme. Le comédien irlandais Gerard McSorley incarne dans le film Michael GALLAGHER qui a perdu son fils, Aiden, dans l’attentat.

Les victimes ont travaillé en étroite collaboration avec la production car elles tenaient à ce qu’Omagh reflète au mieux la réalité de leur combat.

Michael GALLAGHER est allé jusqu’à assumer en France la promotion du film en accordant de nombreuses interviews. Produit à l’origine pour la télévision, Omagh a connu une distribution en salles dans plusieurs pays d’Europe : la Belgique, la France, les Pays-Bas, l’Espagne, la Pologne.

Première diffusion en Irlande : 22 mai 2004
Première diffusion en Grande-Bretagne : 27 mai 2004
Sortie en France au cinéma : 23 mars 2005
Sortie en France en DVD : 12 octobre 2005

affiche du film OMAGHPour visionner la bande-annonce 1 (vost) d’Omagh, cliquez ici
Pour visionner la bande-annonce 2 (vost) d’Omagh, cliquez ici
Pour visionner la bande-annonce 3 (en espagnol) d’Omagh, cliquez ici
Pour visionner un extrait du film (vost) d’Omagh, cliquez ici
Pour visionner le reportage télévisé (en anglais non sous-titré) du 15/08/1998 sur RTE NEWS,
cliquez sur Partie 1 et Partie 2
Pour visionner le témoignage de Michael GALLAGHER (en anglais non sous-titré)
mis en ligne en 2012 par le collectif « Global Survivors Network », cliquez ici

NB. Le DVD édité en France par MK2 contient deux suppléments exclusifs : un petit reportage de 8 minutes dans lequel Michael GALLAGHER et d’autres victimes visitent les lieux du tournage, et un module de 23 minutes contenant les interviews croisées du réalisateur Pete Travis, du comédien Gerard McSorley et de Michael GALLAGHER.

Mardi 12 juin 2012

Dès notre arrivée à Omagh en fin d’après-midi, nous sommes reçus par Michael GALLAGHER, ses proches ainsi que de nombreux bénévoles.

À l’occasion d’une visite en centre-ville, nous pouvons apprécier la qualité et l’étendue du travail fourni par l’association « Omagh Support & Self Help Group ».


1)
La bibliothèque municipale

Michael GALLAGHER nous présente, juste à côté de l’entrée principale du bâtiment, un vitrail avec de nombreux motifs peints. Ce vitrail est une création artistique liée au projet intitulé « Windows of Hope » (« Fenêtres de l’espoir »).

« WINDOWS OF HOPE »
(c) Droits réservés

On peut y voir représentés certains symboles comme : l’horloge avec les aiguilles figées sur 15h10 (l’heure de l’attentat), le papillon (la brièveté et la fragilité de la vie), la bougie (le symbole chrétien de la lumière divine), le lilas (la perte de l’être cher, la tristesse) et l’iris (dont le cœur doré représente l’espoir et le courage de ceux qui ont souffert).

Quatre vitraux ont été créés pour le projet « Windows of Hope » : nous avons pu voir celui d’Omagh, mais Michael GALLAGHER nous informe que les trois autres ont été installés dans d’autres villes afin de communier avec d’autres familles endeuillées par le terrorisme.

 Un vitrail a été construit et installé à Claudy : ce village d’Irlande du Nord a été l’objet d’un triple attentat à la voiture piégée le 31 juillet 1972. Neuf personnes y avaient trouvé la mort.

Un autre exemplaire a été offert à la ville de Buncrana pour célébrer la mémoire de trois jeunes garçons originaires de cette localité qui ont été tués à Omagh.

Un dernier vitrail a été conçu pour la ville de Madrid car deux jeunes Espagnols ont également trouvé la mort dans l’attentat. Ils séjournaient en Irlande du Nord dans le cadre d’un programme d’échange scolaire.

Près de l’entrée de la bibliothèque, une borne interactive permet de revivre avec émotion l’engagement des victimes grâce à un dispositif audiovisuel ludique et accessible à tous.

2) La salle d’archives

Michael GALLAGHER nous mène, en compagnie d’une responsable de la bibliothèque, dans une pièce annexe qui fait office de salle d’archives. Tout ce qui se rapporte à l’attentat d’Omagh y est répertorié et soigneusement conservé : les articles de presse, les messages et objets envoyés du monde entier, toute la documentation officielle…

Ce travail de conservation pour les futures générations est impressionnant et nous apparaît comme le meilleur exemple d’une démarche positive de la part des victimes dans l’élaboration d’une mémoire collective.

3) Les locaux de l’association

Nous nous rendons ensuite dans les locaux de l’association au 53, Market Street.

Nous avons le plaisir de rencontrer ses membres permanents et nous visitons le local qui abrite de nombreux vêtements et objets illustrant les activités caritatives de l’association, ainsi que plusieurs bureaux et une salle de réunion.

Michael GALLAGHER nous dévoile avec générosité l’étendue de son implication, et nous découvrons que de nombreux jeunes habitants de la ville sont tout aussi impliqués dans les activités du « Omagh Support and Self Help Group ».

Après ce petit circuit, on a l’impression que toute la ville œuvre en faveur des victimes du terrorisme, et non pas un collectif isolé.

4) Le mémorial de l’attentat d’Omagh

Ce mémorial en hommage aux victimes est constitué de deux éléments indissociables.

Tout d’abord, à l’endroit même où la voiture piégée était postée, une sculpture en verre monumentale s’élève, contenant en son sein un cœur en cristal.

Puis il y a le jardin de la mémoire (« Garden of Light Memorial »), un dispositif conçu pour détourner les rayons de lumière et les réfléchir en direction du cœur de cristal niché dans la stèle de verre située quelques centaines de mètres plus loin. Comment y parvenir ? 31 petits miroirs alignés surmontent de fines colonnes métalliques et captent la luminosité du soleil. Ces 31 miroirs représentent les 31 vies volées dans l’attentat qui émettent symboliquement une lumière éternelle…

À l’issue de notre visite sur ce site, Guillaume DENOIX de SAINT MARC et Annabelle DELORY déposent une gerbe au pied de l’arche marbrée sur laquelle sont gravés les noms des victimes d’Omagh.

Mercredi 13 juin 2012

Nous nous rendons en bus au Centre de Conférence du parc « Ulster American Folk ». À quelques kilomètres d’Omagh, un village a été recréé afin de reconstituer la vie quotidienne du XIXème siècle, lorsque de nombreux Irlandais partaient émigrer aux États-Unis. Ont été ainsi conservés une rue reproduisant avec réalisme les échoppes de l’époque (bar, imprimerie, étoffes…), une ferme, sans oublier un temple protestant. Le site abrite également un musée consacré à l’histoire des immigrés irlandais et du lien qui unit les Irlandais à l’Amérique.

Michael GALLAGHER nous accueille au sein du temple protestant et introduit les témoignages qui vont suivre.

Stephen TRAVERS : le massacre du Miami Showband

L’une des rares photos du groupe.
Stephen TRAVERS est le premier en partant de la droite
(c) Droits réservés

Stephen TRAVERS est le bassiste d’un groupe musical très populaire dans tout le pays.

Poignant et sobre, il nous relate les circonstances d’une tuerie survenue en Irlande et connue sous le nom du « massacre du Miami Showband ».

Le 31 juillet 1975, alors que le groupe revenait d’un concert et roulait vers Dublin, leur mini-van est stoppé à un barrage en pleine nuit par des miliciens vêtus de l’uniforme de l’armée anglaise.

« À l’époque, il était (hélas) courant d’être contrôlé à des check points, il n’y avait donc pas de raison de s’alarmer« , nous confie Stephen.

Les membres du groupe sortent sagement du véhicule et se postent à l’arrière de celui-ci. Alors que les paramilitaires discutent avec les musiciens qu’ils tiennent en respect, deux hommes en treillis se postent discrètement à l’avant et commencent à installer une bombe qu’ils essaient de placer sous le véhicule. À la suite d’une erreur ou d’une défaillance, le dispositif explose prématurément et tue sur le coup les deux miliciens.

Les musiciens n’ont pas le temps de réaliser ce qui se passe car les militaires font feu et tuent trois d’entre eux avec des armes automatiques contenant des balles de type dum-dum, dont l’usage a été prohibé par la convention internationale de La Haye, en 1899.

Stephen TRAVERS nous raconte avec des termes poignants les supplications de ses amis, jeunes pères de famille. Lui-même a été sérieusement blessé dès le début de la fusillade et n’a eu son salut qu’en simulant la mort.

Ce massacre a été provoqué délibérément dès lors que le plan initial, qui consistait à faire sauter le bus à distance et à probablement accuser l’IRA ultérieurement, n’a pas fonctionné.

Stephen TRAVERS exprime également sa volonté de se reconstruire, d’aller de l’avant, quitte à dialoguer avec les responsables de la tuerie pour « comprendre ». Meurtri à jamais par le terrorisme, il continue d’exprimer son amour de la musique (son modèle reste Paul McCartney) et son besoin de témoigner de son expérience auprès des jeunes.

Vous pouvez télécharger le fichier PDF de l’intégralité du discours (texte en anglais) prononcé par Stephen Travers ici.

Premier panel / les victimes

Témoignant de leur expérience, plusieurs associations vont prendre la parole :

  • Mme Pilar Manjón – Association des Victimes du 11 Mars (Espagne)
  • M. Graham Foulkes – Foundation For Peace (Angleterre)
  • Mme Sarri Singer – Association « One Heart Global » (USA)
  • Mme Annabelle Delory – AfVT.org (France)

Vincent DELORY et Antoine de LÉOCOUR
Montage photo REUTERS/Pascal Rossignol

Vincent DELORY et Antoine de LÉOCOUR, âgés de 25 ans, ont été enlevés au Niger par Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) le 7 janvier 2011.

Ils trouvent la mort le lendemain au Mali dans un raid mené par les forces spéciales de l’armée française qui avait localisé le convoi de leurs ravisseurs. Les familles d’Antoine et de Vincent se sont portées partie civile.

S’exprimant en anglais, Annabelle DELORY a relaté son expérience après la mort de son frère Vincent et de son ami Antoine, la frénésie médiatique ayant recouvert la tragédie, les sollicitations faisant croire que tout est possible, puis l’oubli qui frappe les victimes, une fois la fièvre retombée. Comment gérer le manque d’intérêt des pouvoirs publics, comment accomplir son deuil, comment obtenir des informations lorsque le contexte est sensible… Toutes ces questions s’incarnent ici par le refus d’être mis à l’écart et infantilisés par la rétention d’informations.

David FOULKES (à gauche) et son père, Graham (à droite)
(c) Droits réservés

Le témoignage de Graham FOULKES, qui a perdu son fils dans les attentats de Londres en 2004, rejoint sur certains points celui d’Annabelle. Il décrit avec force l’inanité des autorités anglaises et la manière méprisante dont les familles des victimes ont été traitées.

L’intervention de Sarri SINGER, grièvement blessée lors d’un attentat commis par un kamikaze dans un bus à Jérusalem le 11 juin 2003, montre également la résilience des victimes, leur capacité à puiser la force pour accomplir le bien et délivrer un message de prévention à l’égard de la radicalisation et de l’extrémisme.

Enfin, Pilar MANJÓN, présidente de l’Association des Victimes du 11 mars, a relaté son expérience après avoir perdu son frère dans les attentats de Madrid en 2004, et sa position critique vis-à-vis de la politique de l’état espagnol au cours de ces années-là.

Deuxième panel / les professionnels

C’est au tour de professionnels aguerris des métiers de la santé et du soutien psychologique aux victimes de prendre la parole :

  • M. Hedley Abernethy – WAVE (Angleterre)
  • M. Paulo Pimentel – Survivors of Terrorism (Angleterre)
  • M. José Vargas – ACVOT (Espagne)
  • Mme Josée Netten – IMPACT (Pays-Bas)

Une idée centrale a sous-tendu ces interventions : les symptômes du stress post-traumatique peuvent rester enfouis pendant des années avant d’être (ré)activés par des circonstances extérieures, un rappel des événements, une épreuve personnelle, etc.

Les institutions ont mis très longtemps avant de prendre la mesure de ce danger, malgré le travail fourni par les psychologues et les accompagnants des victimes.

Pour commencer, Hedley Abernethy a présenté le programme du centre de traumatologie WAVE situé à Belfast. Une des actions majeures de WAVE est d’apporter un soutien sans faille à toutes les personnes qui ont été victimes de blessures corporelles durant les années de violence et de terrorisme en Irlande. Nombreuses sont celles qui ont conservé des séquelles, mais la plupart ont repris leur vie et sont tombées rapidement dans l’anonymat le plus complet.

Face à cette ignorance des pouvoirs publics, WAVE a mené de nombreuses actions de sensibilisation et de soutien à ces personnes.

Au cours de son intervention, Hedley Abernethy a présenté un beau livre édité par WAVE et intitulé « INJURED… on that day » (« BLESSÉS… ce jour-là »). La seconde édition de ce travail a été publiée en 2011 et contient 27 témoignages de personnes blessées par explosif, par balles, par arme blanche… dans toute l’Irlande.

Mécène de WAVE, le comédien James Nesbitt (qui a interprété plusieurs rôles en phase avec le terrorisme et la violence en Irlande : Bloody Sunday de Paul Greengrass, Five Minutes To Heaven d’Oliver Hirschbiegel) rappelle dans ce livre un élément qui éveille à lui seul les consciences : il y aurait eu depuis les années 60 entre 40 000 et 100 000 blessés irlandais !

Paulo Pimentel, directeur des projets de l’association SURVIVORS OF TERRORISM, possède une expérience de près de quinze ans dans le suivi psychologique et l’aide apportés aux familles endeuillées par un acte criminel, un suicide, un accident ou une catastrophe naturelle. Il s’est fortement impliqué auprès des victimes des attentats de 2005 à Londres et mène des activités de consultant auprès des services sociaux et de santé. Son témoignage a permis d’exprimer la nécessité de dégager des pratiques adaptées aux besoins des victimes du terrorisme et les difficultés à les faire assimiler par les pouvoirs publics, même si certains progrès récents sont à relever.

Josée Netten représentait la fondation IMPACT, localisée aux Pays-Bas, qui se consacre au suivi psychologique des victimes de catastrophes (désastres naturels, accidents, actions terroristes…). Son intervention a permis d’exposer le cadre global d’une méthodologie destinée aux professionnels européens. IMPACT a par ailleurs conçu au début de l’année une brochure d’une quinzaine de pages qui synthétise les bonnes pratiques à mettre en place pour le suivi post-traumatique des victimes.

José Vargas s’est exprimé au nom de l’ACVOT (Association Catalane des Victimes des Organisations Terroristes), créée en 2003, et a exposé les grandes lignes de l’engagement de son association en faveur des victimes de l’ETA. Quelques jours après cette intervention à Omagh, l’ACVOT a participé à la commémoration du vingt-cinquième anniversaire de l’attentat le plus meurtrier commis par le mouvement terroriste basque. Le 19 juin 1987, une voiture piégée tua 21 personnes et en blessa 45 autres dans le centre commercial Hipercor de Barcelone.

Le témoignage de Terry WAITE sur la prise d’otages

L’après-midi débute par le témoignage de Terry WAITE, dont l’histoire personnelle était hors du commun. Il ne s’est pas contenté d’évoquer ses quatre années comme otage détenu par l’organisation du Djihad islamique, mais a retracé son parcours comme négociateur au cours de la terrible guerre civile du Liban.

En 1980, mandaté par l’église anglicane en tant que conseiller de l’archevêque de Canterbury, Terry WAITE a négocié avec succès la libération de plusieurs otages en Iran.

Le 10 novembre 1984, il a obtenu un nouveau succès en traitant directement avec le colonel Khadafi pour la libération de quatre otages britanniques détenus en Libye.

Terry WAITE nous relate son implication à partir de 1985 comme négociateur au Liban et les réussites qu’il connaît avec plusieurs organisations terroristes.

Le 12 janvier 1987, il décide de retourner au Liban afin d’entamer un nouveau cycle de négociation avec le Djihad Islamique, malgré les conseils de prudence qui lui sont prodigués. En effet, le contexte se dégrade avec les révélations explosives du scandale de l’Irangate qui commencent à voir le jour. Ses contacts du Djihad Islamique l’attirent dans un piège et le kidnappent le 20 janvier.

Avec sobriété et une certaine distance, Terry WAITE nous expose dans le détail sa condition d’otage et les mauvais traitements qu’il a subis. Ses ravisseurs ont tout fait pour lui extorquer des informations sur l’Irangate, allant jusqu’à le séquestrer quatre ans dans un endroit confiné en isolement total, le torturer, exercer sur lui des pressions psychologiques et lui faire subir des simulacres d’exécution.

Terry WAITE est resté prisonnier pendant 1760 jours et a été libéré le 18 novembre 1991.

Son cas est exceptionnel et lui permet d’explorer tous les aspects de la complexité de la prise d’otage : de négociateur chevronné, Terry WAITE est devenu lui-même un otage pendant de longues années, avant de publier plusieurs livres et de s’impliquer aux côtés de collectifs comme WAVE.

Les interventions des experts

Après le témoignage captivant de Terry WAITE, un troisième panel d’interventions vient conclure cette session :

  • Docteur Monica Thompson : cette psychologue clinicienne est spécialisée dans l’accompagnement du stress post-traumatique (Camden & Islington NHS Foundation Trust)
  • Mme Eva Maria Blanco Benavente – Chargée de la coordination de l’aide apportée par l’État aux victimes du terrorisme, au sein du Ministère de l’Intérieur (Espagne)
  • M. Francisco José Alvarez Santamaria – Directeur-adjoint du service consacré au soutien des victimes du terrorisme, au sein du Ministère de l’Intérieur (Espagne)

Experte réputée en Angleterre, le docteur Monica Thompson nous expose une synthèse scientifique des enjeux cliniques et des difficultés pour les praticiens que posent les victimes du terrorisme. À l’aide d’outils statistiques, Mme Thompson prolonge et affine le constat fait sur le terrain par les accompagnants et les travailleurs sociaux au sujet de la résurgence du stress post-traumatique.

De manière plus officielle, Mme Eva Maria Blanco Benavente et M. Francisco José Alvarez Santamaria nous font connaître le point de vue de l’État espagnol qui a mis en place des structures d’aide et de soutien pour les victimes du terrorisme.

La conclusion

C’est John Azah qui est chargé de conclure cette session très dense. Travaillant en collaboration avec le collectif « Omagh Support & Self Help Group », cet expert est très actif sur le front de l’égalité des chances et de la lutte contre la discrimination ethnique. Il a fondé en 1998 un conseil indépendant chargé d’améliorer les relations entre la police britannique et les minorités ethniques. Au titre de ses nombreux engagements en faveur de la société civile, John Azah a reçu plusieurs distinctions officielles.

De gauche à droite :
John Azah, Michael Gallagher, Terry Waite, Stephen Travers et Clive McCombe
(qui a perdu sa femme dans l’attentat d’Omagh) (c) Droits réservés.

À la fin de cette journée bien remplie, nous avons le plaisir de dîner sur place, dans une salle annexe au musée qui contient une reproduction en grandeur nature d’un bateau d’émigrants.

Chaleureuse et conviviale, cette soirée s’achève par un concert offert par la chorale des jeunes d’Omagh (Community Youth Choir) qui a été créée en octobre 1998, quelques semaines après l’attentat. Cette chorale s’est produite à de nombreuses occasions en Irlande, en Angleterre mais aussi aux États-Unis, et a reçu plusieurs récompenses.

Documents à télécharger :

Compte-rendu OMAGH (pdf, 332 ko)

Discours de Stephen Travers (pdf, 142 ko)

Photos de la conférence

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