Samuel et Irène – En voiture, les enfants !

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Photo de couverture par ©Cyril Zannetacci

Toutes les photographies de Samuel et Irène dans cet article sous soumises au droit à l’image et ne peuvent être utilisées sans autorisation préalable.

 

Les regards sont plein de bienveillance. Aujourd’hui, Samuel rencontre Irène. Samuel est le père de Jonathan et le grand-père d’Arié et Gabriel Sandler, trois victimes des attentats de Toulouse-Montauban en mars 2012. Irène est une lycéenne plutôt timide, plutôt curieuse. Entre les deux à première vue, rien en commun. Il suffira d’une discussion pour que chacun apprenne. Que chacun apprenne l’un de l’autre mais aussi les inquiétudes, les moments de vie et les expériences qu’ils souhaitent partager l’un avec l’autre. Cette rencontre intimiste dans la pensée d’une adolescente et celle d’un grand-père et père meurtri, c’est celle qui fait l’histoire de Samuel et Irène.

 

L’attentat de Toulouse – L’essentiel résumé par l’AfVT

 

Tout commence avec la voiture des brigades Vigipirate, objet qu’a choisi Irène. Leur Kangoo militaire évoque pour elle « un rapprochement bizarre » avec une voiture qu’elle connaît bien, celle de son papa, une Kangoo elle aussi : « Pour moi, elle représente la « voiture des papas », c’est la voiture qui met à l’aise, et qui réconforte. J’avais 10 ans à l’époque et de voir la Kangoo en mode militaire, ça a fait pour moi un rapprochement bizarre parce qu’il y avait la Kangoo de mon papa, la Kangoo des militaires et normalement les militaires sont aussi là pour me rassurer, pour dire que la zone est sécurisée, que tout va bien. En réalité, ce n’était pas si rassurant que cela ».

 

La Kangoo des souvenirs d’Irène s’est transformée en véhicule Vigipirate

 

« Le bourreau tue toujours deux fois, la seconde par l’oubli »

Samuel vit depuis dix ans dans l’incompréhension. « Citoyen français de confession juive », comme il se décrit lui-même, il a grandi dans une ambiance multiculturelle au sein du Quartier latin à Paris où il a pu rencontrer des auteurs comme Elie Wiesel qui l’ont beaucoup inspiré. Ses nombreux souvenirs le mènent à parler à Irène de ses petits-enfants. Il évoque les souvenirs perdus, les anniversaires qui ne seront plus fêtés et les visages de ses proches gravés dans sa mémoire autant qu’ils sont figés à jamais dans le temps. Alors, pour pallier ces moments « insupportables », Samuel veut prononcer leur nom car c’est « toujours l’occasion de les faire vivre à travers leurs noms ». Pendant longtemps, Samuel a été dans le déni et refusait ce qui s’était passé. Il disait ne pouvoir l’accepter. Dix ans plus tard, il regarde avec admiration Irène en se disant qu’Arié, l’aîné, aurait eu le même âge qu’elle. Il imagine toujours ses petits-enfants et se rappelle sa fierté en tant que grand-père ingénieur aéronautique en voyant son petit-fils jouer avec un avion à l’âge de cinq ans. Les Playmobil qui leur appartenaient constituent un souvenir que Samuel a pris pour objet et les présente à Irène.

 

Qui était Elie Wiesel ?

 

La disparition des êtres aimés a laissé chez Samuel un profond sentiment de tristesse, partagé par Eva, la femme de Jonathan et mère d’Arié et Gabriel ainsi que par Llora, leur petite sœur âgée d’un an au moment des faits, qui en a maintenant onze : « Elle a passé son enfance à chercher son père et ses frères » évoque Samuel. Jusqu’à se réjouir de monter dans un avion volant dans le ciel et déclarer sur la passerelle avant le décollage : « Je suis contente, je vais pouvoir voir mon papa et mes frères ».

 

Quand Irène rencontre Samuel

Coïncidences en série

Si Irène et Samuel sont ainsi liés par la discussion, de nouvelles coïncidences se créent au fur et à mesure de la conversation. Irène connaît très bien le Jardin d’acclimatation et la Rivière enchantée où Samuel emmenait ses petits-enfants. Samuel s’identifie à l’histoire d’Irène car il possédait lui-même une voiture semblable et de même couleur que la Kangoo de la jeune fille.

Ensemble, ils s’accordent pour dire qu’une voiture est un endroit hors du temps, rempli de souvenirs et si particuliers car rapprochant les membres d’une même famille. Samuel fait lui-même écho à son passé après la Seconde Guerre mondiale en se souvenant de la voiture familiale de ses parents comme d’un foyer.

 

Lire l’article en ligne de Télérama consacré aux rencontres des victimes du terrorisme avec les lycéens de Courbevoie

 

Peut-on pardonner ?

Lorsqu’Irène et Samuel évoquent le thème du pardon, Samuel introduit une anecdote de ce qu’il a vécu quelques semaines auparavant à l’occasion d’un prêche sur la miséricorde dans une église de Versailles. A ce propos, Samuel est catégorique : « Je n’avais pas à pardonner parce que ce sont à mes enfants de pardonner » et que s’il acceptait, « ce serait trahir les enfants ». Il est alors soutenu par des paroissiens catholiques, compréhensifs au moment où il leur demande : « Imaginez une sortie d’une école maternelle, imaginez ce que c’est un enfant de trois ans et imaginez qu’on lui tire dessus ».

 

Gabriel (3 ans) et Arié (5 ans) jouant aux Lego

 

Prendre la vie d’un enfant est pour Samuel d’autant plus impardonnable qu’il garde en lui le souvenir d’un cousin âgé de huit ans, Jeannot, déporté pendant la Seconde Guerre mondiale et dont le portrait ornait la maison familiale : « J’ai toujours eu cette image d’un enfant qu’on arrête, qu’on déporte. J’avais peur quand j’étais enfant. Je me rassurais en me disant que la guerre était finie, qu’on était en France et que plus jamais on tuera un enfant comme cela parce qu’il est de confession juive ». Ce combat de l’antisémitisme est celui de Samuel en tant que membre honoraire et ancien président de le Communauté juive israélite de Versailles. Sa force militante s’oppose à celle des « barbares » et celles « qui n’ont plus rien d’humain ». Ravi d’avoir rencontré Irène, il sait que son engagement se partage, que ses idées se transmettent et que les noms de Jonathan, Arié et Gabriel ne seront pas tus.

 

Dix ans plus tard, la commémoration des attentats de Toulouse-Montauban

 

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