Regards croisés : « J’y ai trouvé une forme de communauté humaine dans le drame. » Suzy raconte sa 12ème semaine au procès de l’attentat de Nice

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Chaque semaine, l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT) donne la parole aux parties civiles, victimes et professionnels qui participent au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.

Je m’appelle Suzy, j’ai 71 ans, je suis retraitée et je vis à Nice depuis sept ans. Avant l’attentat j’habitais dans le centre de Nice, près de la Promenade.

Prise dans l’attentat, j’ai déménagé dans un autre quartier, car je ne supportais plus d’habiter près de la Promenade où je passais tous les jours.

  • Que se passe-t-il au procès cette semaine ?

Il s’agit de la douzième semaine de procès. Il y a eu en début de semaine les rapports d’expertises psychologiques et psychiatriques des accusés, puis à partir de mercredi le début des plaidoiries des avocats des parties civiles.

Cette semaine, les avocats des parties civiles ont commencé leurs plaidoiries. Elles sont complémentaires, pas redondantes, et elles font une synthèse à charge de toutes ces histoires. A la différence de la phase d’interrogatoire individuel où chacun essaie de se disculper en se désolidarisant des autres, il ressort des plaidoiries que les histoires sont reliées les unes aux autres. A l’écoute de ces plaidoiries, il semble évident, pour moi, que leur complicité, même individuelle, a permis la réalisation de l’attentat.

Revue de presse de la 12ème semaine (AfVT)

Procès de l’attentat de Nice : les avocats des parties civiles à la barre pour «les vies brisées» – Libération (liberation.fr)

  • Depuis quand viens-tu au procès ? Pourquoi ?

J’ai commencé à assister au procès le 18 octobre soit plusieurs semaines après le début de celui-ci car avant je ne me croyais pas capable d’y assister.

C’est une réunion organisée par l’AFVT qui m’a permis de franchir le pas. A ce moment-là, nous étions à la 5ème semaine de témoignages des parties civiles, des personnes comme moi qui ont vécu le même drame. Je me suis sentie soutenue, reconnue et légitime. J’ai apprécié l’accueil des associations, et je me suis sentie mieux. C’est pourquoi j’ai continué à y assister à la visio de Nice [dans la salle de retransmission à Nice], puis j’ai décidé d’aller à Paris [en salle d’audience au Palais de Justice]

Depuis le 18 octobre, je suis donc le procès tous les jours autant que possible (sauf pendant un court voyage que j’ai dû faire auprès de ma famille début novembre), à l’Acropolis, sur la web-radio, et également au Palais de justice de Paris.

  • Comment te sens-tu après toutes ces semaines à y assister ?

Au début, c’étaient les témoignages de victimes, et leurs mots m’ont réconforté car j’y ai trouvé une forme de communauté humaine dans le drame. Leur prise de parole m’a touché, pour leur valeur sincère et fondamentale dans ce procès.

Puis il y a eu des témoignages d’experts et des enquêteurs. N’ayant jamais vécu une telle procédure, j’ai beaucoup appris sur la recherche de la vérité, la difficulté de l’obtenir, et les moyens employés.

Quand ce fut le tour des accusés, leur audition a suscité chez moi de la colère, devant la lâcheté de leurs mensonges. Je suis outrée que des individus qui bénéficient des avantages de notre société, puissent la bafouer à ce point par leurs crimes et délits.

Procès de l’attentat de Nice : des accusés difficiles à suivre – La Voix du Nord

Je suis vraiment écœurée par l’attitude des accusés. Cette somme de mensonges est une humiliation qui s’ajoute à notre douleur. Elle met en évidence la lâcheté de ces hommes qui ne pensent qu’à eux.

« On est sur les nerfs »: Alain Dariste, partie civile, revient sur les auditions des accusés lors du procès de l’attentat de Nice (bfmtv.com)

  • Quel est l’évènement qui t’as le plus marqué ces derniers jours ?

Ce qui me parait ressortir de la juxtaposition des interrogatoires des accusés, et le fait qu’ils mentent tous, pour tenter de se sauver. Lâchement, égoïstement. Ils ne semblent avoir aucune compassion, ni aucun remords. Ils ne pensent qu’à eux-mêmes. Leurs mensonges sont tellement similaires, que c’est comme une preuve évidente de leur complicité.

Un des avocats a dit que si un seul des accusés n’avait pas apporté sa contribution, l’attentat n’aurait pas été possible, et donc, n’aurait pas eu lieu. Cette phrase m’a vraiment marquée.

J’espère que le verdict sera exemplaire, pour que plus jamais cela ne se reproduise, et qu’on apprenne à respecter tous les êtres humains.

 

Entretien réalisé le 02 décembre 2022

Image : Croquis d’audience de la salle de la cour d’assises spéciale à Paris, au premier jour du procès de l’attentat de Nice, le 5 septembre 2022 – Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

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