Quand la Covid-19 s’invite au procès du 13 novembre…

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Ce mardi 19 janvier 2022 la reprise de l’audience du procès des attentats du 13 novembre 2015 n’a été que de courte durée. En effet, Monsieur le Président Jean-Louis Périès a annoncé un nouveau report des débats en raison du résultat positif à la Covid-19 du test de l’accusé Monsieur Ali El Haddad Asufi. Si l’extraction des accusés n’a pas eu lieu, avec l’accord des avocats de la défense, il n’en demeure pas moins que la Cour, le ministère public, ainsi que certains avocats de la défense et des parties civiles étaient bien présents à cette audience qui avait pour seul objectif d’acter la suspension du procès. « La procédure devant la Cour d’assises est assez rigoureuse, parfois trop, il faudra peut-être l’adapter à notre époque » fait remarquer Monsieur le Président Périès[1].

Le procès avait déjà fait l’objet d’une semaine de suspension au début du mois de janvier pour le même motif, cette-fois-ci au sujet de l’accusé Monsieur Salah Abdeslam[2]. Dès lors, le procès risque-t-il d’être suspendu de semaine en semaine à chaque fois qu’un nouveau cas de Covid-19 fait son apparition au sein des accusés ?

Pour esquisser une réponse à cette question, il convient de revenir aux articles 307 et 309 du code de procédure pénale. Le premier, en son alinéa 2, dispose « Ils [les débats] peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges, de la partie civile et de l’accusé », et ce par exception au principe d’interruption prohibée des débats exposé à l’alinéa premier de l’article. Quant à l’article 309 du code de procédure pénale, il prévoit en son alinéa premier le pouvoir du Président de la police de l’audience et de la direction des débats.

Ainsi, le pouvoir de suspendre l’audience de façon discrétionnaire, sans consultation préalable des parties et sans motivation, découle des prérogatives accordées au Président selon le code de procédure pénale (Crim. 27 févr. 1985, n° 84-92.536, Bull. crim. n° 96). Si la Covid-19 peut rejoindre aisément la cause du repos de l’accusé, telle que prévue par l’article 307 du code de procédure pénale, la jurisprudence a précisé néanmoins que les motifs énumérés par cet article ne sont pas limitatifs (Crim. 13 mai 1886, Bull. crim. N° 173 ; Crim. 4 oct. 1995, n° 95-80.106)[3], d’où le rôle du Président dans l’appréciation des circonstances de l’espèce. De ce fait, ne pas suspendre une audience pourrait être jugé contraire à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) relatif au procès équitable, comme cela s’est avéré dans l’affaire MAKHFI c. France du 19 octobre 2004, là où les débats avaient duré 17 h 15 et que l’avocat du requérant avait plaidé à 4 h 25 du matin…[4]

Enfin, la suspension doit avoir lieu au cours d’une audience, d’où les propos de Monsieur le Président Périès ce mardi relatifs à l’archaïsme des règles procédurales. En revanche, il n’y a pas de véritable obligation du code de procédure pénale au sujet de son inscription dans le procès-verbal de l’audience par le greffier, même s’il en est ainsi en pratique. En l’absence de mention écrite de la suspension, l’audience peut reprendre dès lors qu’il n’y a pas d’observations particulières des parties (Crim. 12 nov. 1997, n° 96-84.679, Bull. crim. n° 382).

En somme, si le nouveau test de Monsieur Ali El Haddad Asufi s’avérait négatif la semaine prochaine, nous ne sommes pas à l’abri d’autres suspensions de l’audience, en particulier pour Covid-19. Cette conclusion laisse certaines perplexités, amorcées par Monsieur le Président, qui pourraient suggérer une évolution du cadre juridique : à l’époque de l’utilisation des nouvelles technologies, est-il nécessaire de réunir en présentiel une salle d’audience pour en acter la simple suspension ? au vu du calendrier judiciaire à tenir, le procès pourra-t-il être suspendu une semaine à chaque nouveau cas de Covid-19 parmi les accusés ?

 

[1] PIRET Charlotte, Procès du 13-Novembre, jour 69 : audience sans accusés et procès à nouveau reporté, 18 janvier 2022. Disponible sur https://www.franceinter.fr/justice/proces-du-13-novembre-jour-69-audience-sans-accuses-et-proces-a-nouveau-reporte

[2] France 24 avec AFP, Le procès des attentats du 13-Novembre reprend, Salah Abdeslam déclaré « apte », 11 janvier 2022. Disponible sur https://www.france24.com/fr/france/20220111-le-proc%C3%A8s-des-attentats-du-13-novembre-reprend-salah-abdeslam-apte-%C3%A0-assister-aux-audiences

[3] En ce sens, REDON Michel, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale in Dalloz, Cour d’assises, Principes fondamentaux des débats au procès criminel, § 237, Applications, avril 2018 (actualisation : novembre 2021). La suspension de l’audience a notamment été décidée pour permettre un examen médical de l’accusé, laisser se reposer un témoin fatigué, laisser un temps suffisant à la défense pour consulter des pièces nouvelles…

[4] CEDH, Deuxième section, affaire MAKHFI c. France, 19 octobre 2004 (définitif le 19 janvier 2005), §16-17. Disponible sur https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22]}

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