Plaidoirie de Maître Antoine CASUBOLO FERRO au procès des geôliers de Daech

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Monsieur le Président, Mesdames de la Cour,

De tous les procès pour des faits de terrorisme qui se sont enchainés depuis le premier procès d’Abdelkader Merah, dans cette même salle en octobre 2017, ce procès est le seul qui n’ait pas un rapport direct avec un attentat. Mais il est, en fait, celui qui les relie tous, peu ou prou. Non seulement parce que les hommes que vous avez aussi à juger, ont pratiquement tous un lien direct avec un de ceux, sinon avec tous ceux, qui ont répandu la mort depuis 2015 sur notre territoire. Mais aussi parce qu’il nous a fait remonter le temps, jusqu’au moment même où cette organisation terroriste, l’Etat islamique, allait se créer. Au moment même où l’horreur, la brutalité, la cruauté, la bestialité ont acquis droit de cité. Quand chez ces hommes, l’humanité s’est effondrée, où le mal est devenu le bien, où la terreur s’est exercée au quotidien.

Ils étaient 25 otages occidentaux, 14 en sont revenus, 10 ont témoigné à cette barre. Avec leurs mots mais aussi par leurs silences, ils ont déposé ce qu’ils ont gardé de leurs souffrances, de la barbarie qu’ils ont subie.

Sans arrêt pendant plusieurs mois, c’est-à-dire des centaines de jours et de nuits, sans cesse pendant des milliers d’heures, les coups et les tortures, bien sûr, mais la faim, la soif, le froid, le chaud, les morpions, l’humiliation, le stress des positions, les suspensions, les mains menottées, les bras dans le dos, à quelques centimètres du sol, l’eau des chiottes a dit Edouard, marron comme cette barre a martelé Didier, la diarrhée, la promiscuité, la saleté, les simulacres d’exécution, les sévices sexuels, les menaces de viol, ponctués encore et toujours, par la torture et les coups, sans arrêt jusqu’à leur libération. Pour ceux qui ont eu cette chance…

Mais comment ont-ils fait, comment font-ils pour tenir encore debout ? Dignes, tous, à cette barre, dans cette salle. Je leur dis mon respect, leur témoigne mon admiration.

Edouard, Didier, Nicolas, Pierre…. Les quatre journalistes français, Federico, cet humanitaire italien, mais aussi Marcos, Ricardo, Daniel, Patricia, Frida, journalistes espagnols et Danois, infirmières venues en Syrie avec Médecin Sans Frontières au secours des populations, qui m’ont fait l’honneur de me désigner, aux côtés d’Isabelle TESTE, pour les assister et les représenter à ce procès.

Peut-être ne devrais-je vous parler que de ceux-là, de mes clients comme on dit, mais il se sont exprimés à la barre et je ne veux pas aller au-delà de ce qui a été dit par eux, pour ne pas trahir leur pudeur. Marcos, Patricia, Daniel, je sais que vous savez, Monsieur le Président, Mesdames de la Cour, ce que je ne veux pas plus évoquer à leur sujet.

Je l’ai dit tout à l’heure, 10 ont témoigné, 10 auxquels s’ajoute, on ne saurait l’oublier, Radawn, le seul Syrien à cette barre, alors qu’ils sont des centaines, sinon des milliers, victimes de l’Etat islamique qui ne témoigneront jamais. Ces Syriens dont les souffrances ont été pires que celles subies par les otages occidentaux.

Radwan est ici, devenu la voix de ces milliers de Syriens qui ne témoigneront jamais, mais aussi celle de Kayla, sa fiancée, sa compagne, qu’il a courageusement tenté d’arracher à ses bourreaux, quitte à subir la torture à nouveau… en vain. Kayla n’est pas revenue, on ne sait même pas ce qu’elle est advenue.

Comment ne pas les évoquer, ces grands absents, pour lesquels, ceux-là, dans le box, ont aussi des comptes à rendre. Comment oublier les parents de Kayla, justement, silencieux, dans la salle et son papa, victime d’un malaise, emmené sur un brancard par les pompiers ? Comment oublier, les parents de Peter Kassig, évoquant leur fils unique et leur maison vide, trop grande à présent, à jamais. Comment ne pas saluer, jour après jour, le courage de Bethany, l’ainée des filles de David HAINES, « un travailleur humanitaire britannique – vous a-t-elle dit – qui a passé sa vie à aider les gens pour finalement être kidnappé, torturé, tué par une bande de lâches ».

« Allo papa… papa comment vas-tu ? Papa réponds ! … »

Les mots de Bethany laissés sur le répondeur de son père, qu’il n’a jamais entendu, résonneront encore longtemps dans cette salle d’audience.

Ce sont des gens comme eux qui ont créé l’Association Française des Victimes du Terrorisme (AfVT). Vous savez, l’AfVT, une de « ces associations, partie civile de papier », comme on a eu, de ce côté de la barre (désigne les conseils de la Défense), l’outrecuidance de dénommer les associations de victimes.  C’est pour toutes ces familles et par elles qu’existe l’AfVT. Pour leur venir en aide, pour les soutenir de toutes les manières possibles, pour s’entraider aussi car, chacun le sait, la disparition d’un proche détruit toute sa famille et de proche en proche toute une communauté. Et quand le temps de la médiatisation, du procès, des commémorations sera passé eh bien, elle est là, elle sera là, l’AfVT pour soutenir encore et toujours ces familles meurtries à jamais. Car « faire son deuil » n’est qu’une expression pour ceux qui n’ont jamais été réellement frappés. Pour ceux qui ont été directement frappés, en revanche, faire son deuil, ça n’existe pas. Même si l’on peut se reconstruire et, là, l’AfVT peut y aider. Elle y croit.

Mais il est encore d’autres missions que s’est donnée l’AfVT, pour tenter de faire que l’horreur cesse, qu’il n’y ait plus de victimes, de familles à jamais endeuillées, pour qu’il n’y ait plus d’attentats terroristes.

L’AfVT c’est aussi comprendre pour prévenir la radicalisation. Comprendre, concrètement, pour se rendre, ensuite, dans les collèges, dans les lycées, dans ces banlieues défavorisées et aussi dans les prisons, partout où elle pense qu’elle peut être utile, où des foyers de radicalisation peuvent exister.

De procès en procès, vous savez bien, désormais, Monsieur le Président, Mesdames de la Cour, les contours du programme éducatif de l’AfVT que porte Madame ANGLADE et je ne vous en parlerai pas plus ici, d’autant que Nicolas HENIN, qui répond toujours présent aux sollicitations de l’AfVT, pourrait sûrement vous en parler aussi bien que moi. L’AfVT l’en remercie vivement. Et moi aussi !

Par deux fois, d’ailleurs, vous les avez peut-être aperçus au fond de la salle, ces élèves de terminale qui ont reçu Nicolas dans leur lycée cette année. Avec leur professeur et madame Anglade, ils sont venus à l’audience, car, ça aussi, c’est important d’assister à un procès, de montrer que le procès, équitable, l’état de Droit, les droits de la défense, ce ne sont pas que des mots, que des concepts, mais que ça existe.

Alors, en l’espèce, comme on dit, s’agissant des faits qui nous occupent, comment ces trois là, en sont-ils arrivés là ?

Il vous appartiendra, Monsieur le Président, Mesdames de la Cour, de juger de leur culpabilité et de les condamner le cas échéant.

Nous, parties civiles, ne sommes pas là pour porter l’accusation. Bien sûr, nous sommes au soutien du Ministère public, mais c’est à lui seul que cette charge revient.

Alors comprendre…D’abord, comprendre, donc, comment ceux-là, une poignée, en France, une poignée dans le monde ont-ils pu trouver dans l’Islam, une justification à leurs crimes ?

Des millions de Français sont musulmans. Près de deux milliards d’humains dans le monde sont musulmans. Un quart de l’humanité est musulmane et 99% de ceux-là, sinon plus, les condamnent, condamnent DAESH, condamnent leur lecture de l’Islam, si tant est qu’ils en aient une, condamnent l’ignominie, les salissures faites à leur religion.

Comment une poignée peut-elle croire qu’elle a raison contre tous, comment une poignée peut-elle faire d’une religion la justification d’assassinats, de massacres au nom de Dieu ? Kahina Houry, la veuve présumée de Salim Benghalem, vous a répondu à ce sujet, en visio-conférence, depuis sa prison :

« On était tellement à fond – vous a-t-elle dit – on se sentait tellement supérieurs aux autres. On s’est mis à la place de Dieu… »

Mais alors, comment comprendre qu’en se mettant à la place de Dieu, ces hommes aient pu sombrer, basculer, dans la bestialité ?

Je dis bestialité car ce qu’ont subi les otages, voire les prisonniers syriens, se situe bien au-delà de la monstruosité même du terrorisme. Et quand je dis bestialité, je ne suis même pas sûr que le mot soit approprié. Je ne suis même pas sûr, en effet, qu’il y ait des animaux qui prennent plaisir à frapper, à torturer, à faire souffrir leurs congénères, comme a pris plaisir à le faire Mehdi NEMMOUCHE… ou pour le moins Abou Omar, puisqu’il faut vous laisser le temps de trancher par votre verdict, s’il s’agit bien du même homme, bien que cela ne fasse aucun doute du côté des parties-civiles, comme pour tous ceux qui ont entendu les témoignages des ex-otages et vu les images des caméras de surveillance de l’hôpital d’Alep.

Mehdi NEMMOUCHE… Je dois avouer que si l’homme me dégoute, désolé, j’ai eu beaucoup de peine pour le petit garçon qu’il a été. Abandonné par sa mère à la naissance, d’un père inconnu, la DDASS, une famille d’accueil, Les Vasseur, ces gens qui l’ont aimé, qui l’ont chouchouté et puis, brutalement, on l’arrache de ce foyer. De force, il se doit de devenir musulman. On nous a dit comment, par quel acte à 9 ans. Et on lui refuse la profession de foi, d’entrer désormais dans une église. Surtout, il n’a plus le droit d’appeler ces gens qui l’ont élevé, et qu’il aime, : papa et maman. Et il y a ce cri, rapporté par un membre de la famille Vasseur que vous nous avez lu, Monsieur le Président :

« Mais alors, je ne suis rien ? Je n’existe pas ? »

Ce cri m’a fait penser à ce qu’avait déclaré Monsieur TREVIDIC lorsqu’il avait été entendu lors du procès des attentats du 13 novembre 2015. De mémoire il nous a dit : « vous savez un Paris-Istanbul, ça vaut combien ? 200 € ? ce n’est rien. Avec 200 €, il suffisait de passer en Syrie et on pouvait commencer une autre vie, rejoindre DAESH et devenir quelqu’un ».

N’est-ce pas là, l’itinéraire de M. NEMMOUCHE, ce délinquant reconverti dans le nettoyage ethnique islamiste ? Au sein de l’organisation Etat Islamique, Mehdi NEMOUCHE, n’est-il pas devenu quelqu’un, lorsqu’il massacrait d’anonymes syriens, lorsqu’il sévissait sur les otages français, lorsqu’il s’est imposé comme interlocuteur à Didier FRANÇOIS, ce journaliste respecté qu’il qualifiait de « grosse merde » et dont il écrasait les ongles dans le même temps ?

Et n’est-il pas devenu quelqu’un maintenant ? Maintenant qu’il a fait presqu’aussi bien que son modèle, Mohamed MERAH, « le plus grand français que la France ait produit », en assassinant aussi lâchement que lui quatre personnes au Musée Juif de Belgique à Bruxelles ?

Pour autant, ses leçons d’histoire me sont restées en travers de la gorge, sa posture de combattant de la liberté m’a écœurée, quand on sait ce qu’il a fait subir aux prisonniers syriens, aux Yézidis dont il se vantait d’avoir violé les femmes, tué les grands-mères égorgé les bébés.

Monsieur NEMMOUCHE, qui torturait des journalistes, sait-il, qu’ils ont dénoncé en leur temps, les exactions en Indochine, la torture en Algérie ? Que sans eux, on n’en aurait rien su. Et que faisait en Syrie, Edouard, Nicolas, Didier, Pierre, Marcos, Ricardo, Daniel, sinon documenter pour dénoncer les crimes de Bachar El Assad contre son peuple, sans savoir que surgirait pire que Bachar pour le peuple syrien, des hommes comme lui, Nemmouche et sa clique d’assassins.

Sait-il où se trouve en ce moment même Edouard ? En Syrie, encore, au péril de sa vie, encore, pour nous faire savoir, toujours !

Sait-il où se trouve en ce moment Ricardo ? En Ukraine, au péril de sa vie aussi, pour nous faire savoir, toujours !

Non Monsieur NEMMOUCHE, vous n’avez pas le droit de nous donner des leçons. Pas vous. Si une enfance malheureuse peut expliquer le basculement de M. NEMMOUCHE, elle n’est pas la condition nécessaire pour devenir terroriste.

Messieurs TANEM, AL ABDALLAH, BENGHALEM, ATAR n’ont pas connu ce malheur, d’une enfance horrible. Au contraire, ceux-là, ont été choyés dans leur foyer et jusqu’à ce jour leurs proches ne comprennent toujours pas, comment ils ont pu se retrouver dans ce box, aux côtés de M. NEMMOUCHE.

Pourquoi, ils ont rejoint, comme lui, l’Etat islamique. Même si ce dernier s’est distingué par sa cruauté, par son sadisme, ils sont, comme lui, si l’on en croit l’ordonnance de mise en accusation qui les a renvoyés devant vous, des tortionnaires, des assassins. Alors, même s’ils le nient, ils ont commis les mêmes exactions, les mêmes horreurs et l’audience, jour après jour, n’a cessé de nous en apporter des preuves, accablantes, pour chacun d’eux.

Comme vous l’avez fait remarquer, Monsieur le Président, pour chacun de ces trois hommes dans le box, ce que l’on pouvait trouver à charge dans le dossier d’instruction, faisait penser à un puzzle. C’est l’image que vous avez donné dans les trois cas. Un puzzle avec des pièces éparses, de côte en côte, qui ne prennent sens qu’une fois assemblées les unes aux autres. Mais j’ai envie de dire, que cette image du puzzle peut encore être précisée.

Pour Monsieur NEMMOUCHE, on a l’impression d’avoir entre les mains un puzzle, comme on en trouve en classe maternelle. Quelques gros cubes, que seuls les enfants de trois-quatre ans mettent du temps à reconstituer. Et encore !

Avec Monsieur TANEM, au premier jour du procès, on pouvait penser que les pièces seraient plus nombreuses, le puzzle plus difficile à reconstituer. Mais non, en fait ! En niant l’impossible il faut dire que M. TANEM nous a beaucoup aidé.

Comme vous, Monsieur le Président, on ne peut que s’étonner, après avoir vu, sur les images de vidéo surveillance de l’hôpital d’Alep, Monsieur TANEM, kalashnikov à l’épaule suivre dans les sous-sols de cet hôpital, Abou Obeida, le chef régional de l’Amniyat, en charge de la gestion des otages, dont il était le garde du corps, ce qu’il ne conteste pas, dire qu’il ne savait rien des otages, sachant que ces derniers ont ensuite été transférés à Cheikh Najjar dont Salim BENGHALEM, son copain, qu’il a hébergé, puis qui habitait sur le même palier, avait la responsabilité !

Et que dire de son silence, de sa réponse alambiquée pour ne pas reconnaitre Mehdi NEMMOUCHE sous la kunya d’Abou OMAR dont on sait avec certitude qu’il a utilisé le téléphone, plusieurs fois à quelques minutes d’intervalle, si ce n’est la peur, d’avoir à dénoncer.

Cette peur, aussi bien dans le box que dans le prétoire, à cette barre, lors de la déposition de certains témoins, venus à contre-cœur, sachant ce qu’ils risquaient, était presque palpable. Et la menace de mort reçue, ce weekend, par le dernier témoin de la semaine dernière est venue, bel et bien, la confirmer. Décidemment, la bête n’est pas morte. Loin s’en faut…

Et Monsieur Kaïs AL ABDALLAH en est à nos yeux la preuve bien vivante. Pour lui les pièces du puzzle sont encore plus petites, certes, mais encore plus nombreuses, qui s’assemblent encore une fois sans trop de réelle difficulté, au terme de la dernière semaine d’audience qui lui fut consacrée.

Ce tutoriel de 4200 pages consacrées à la confection d’explosifs, cette bibliothèque qu’il s’est constitué sur le même sujet…

J’ai dit que ce n’était pas à nous de porter l’accusation, je vais donc m’arrêter là, moins en dire sur lui. Le réquisitoire demain sera sans nul doute, particulièrement édifiant. Mais de toutes les pièces, constituant le puzzle des charges qui pèsent sur Monsieur AL ABDALLAH, comme ce tutoriel retrouvé en sa possession, cette menace de mort, contre le dernier témoin, ne fait que confirmer ce qu’on pouvait déjà penser de lui. Même en prison, l’homme est toujours aussi dangereux.

Aussi, lorsque j’ai dit au début de ma plaidoirie que, tous dans le box avait peu ou prou, un lien direct avec un de ceux, sinon avec tous ceux qui ont répandu la mort, depuis 2015 sur notre territoire, ne croyait pas que j’excluais Monsieur AL ABDALAH, bien au contraire, sachant qu’il était sans aucun doute un des hommes les plus importants de DAESH à Raqqa, la capitale de ce proto-Etat. Sachant également qu’il a rejoint l’Europe à l’été 2015, c’est-à-dire en même temps et de la même façon que la plupart des hommes qui sont passés à l’action à Paris le 13 novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016. Peut-il s’agir que de coïncidences ?  Ça fait beaucoup, non ?

Alors au terme de ces trois semaines d’audience, pour conclure, et de ce retour dans le passé de DAESH, j’en ai tiré deux certitudes, au moins…

La première, c’est que pour chacun des trois accusés, il ne vous manque aucune pièce maîtresse de leur puzzle, pour entrer en voie de condamnation.

La deuxième, c’est que le terrorisme, la voiture piégée n’est pas l’arme du pauvre mais l’arme des lâches.

L’arme du pauvre, c’est le stylo. Et les vrais combattants de la liberté, ils sont bien de ce côté de la barre (Désigne les journalistes parties civiles).

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