Regards croisés : l’ouverture du procès, vu par Karen

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Chaque semaine, l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT) donne la parole aux parties civiles, victimes et professionnels qui participent au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.

Pour cette première édition de nos « regards croisés », Karen revient sur l’ouverture du procès : 

Je m’appelle Karen PILIBOSSIAN et je suis responsable juridique de l’antenne niçoise de l’Association française des Victimes du Terrorisme depuis 6 ans.

J’ai rejoint l’AfVT en 2016, lorsque l’association a ouvert une antenne à Nice et a souhaité embaucher une personne sur place pour accompagner les victimes de l’attentat du 14 juillet. 

Je ne me suis pas posé beaucoup de questions, la mission avait du sens et corroborait avec mon expérience de l’accompagnement juridique.

Comment vis-tu l’ouverture de procès après 6 années passés à suivre des victimes de cet attentat ?  

Je vis cette ouverture de façon plutôt positive, car je pense qu’il était temps d’arriver à cette phase judiciaire, aussi bien pour les victimes que pour les professionnels. C’est la réponse de notre état de droit à ces actes de barbarie.

En tant que professionnel, je suis là pour écouter les victimes. J’observe les réactions, je fais du lien, je contiens, je décode pour certains et, bien sûr, je continue mon accompagnement juridique stricto sensu. 

Pour me préparer à accompagner au mieux les victimes de l’attentat du 14 juillet pendant ce procès, j’ai pris le temps d’observer le déroulement d’autres procès notamment celui des attentats du 13 novembre 2015. J’ai écouté et échangé avec des victimes et avec mes collègues sur Paris qui les ont accompagnés et soutenus pendant le procès.  

Cette préparation m’a permis d’améliorer mon écoute dans la phase de préparation des victimes du 14 juillet 2016. Evidement, j’ai quelques appréhensions pour cette période à venir, elles sont principalement liées à la justesse de notre accompagnement des victimes qui, de facto, vont être bouleversées par ce procès. 

Comment prépare-t-on les victimes à vivre un procès comme celui-ci ? 

L’AfVT a créé des rencontres « de Victimes à Victimes ». Inspirés de leurs propres expériences de procès, nos administrateurs ont mis en place des temps d’échanges entre des victimes ayant déjà vécu un procès pénal terroriste, appelés « grands témoins », et des victimes sur le point d’en vivre un. 

Les partages d’expériences sont tout aussi important qu’un conseil émanant d’un professionnel, voir plus à mon sens, car ils ne sont pas reçus et entendus de la même manière. C’est ainsi que des victimes des attentats du 13 novembre 2015 sont venues s’adresser aux victimes du 14 juillet 2016. 

[Reportage] C’est l’histoire de personnes que l’horreur a réunies. Une main tendue entre Lydia et Jean-Claude, victimes du Bataclan, et Annick et Alain Dariste, des grands-parents endeuillés à la suite de l’attentat du 14 juillet 2016, à Nice (Alpes-Maritimes).

Ces rencontres « de Victimes à Victimes » ont toutes été très constructives. En plus, cela a permis de créer des liens et les victimes de l’attentat du 14 juillet, qui sont montées sur Paris en cette première semaine, ont pu retrouver leurs grands témoins dans la salle d’audience. Toutes m’ont dit que ça leur avait fait beaucoup de bien. La question du lien est très importante pendant un procès, car les victimes ont besoin d’humanité.

[Article] Catherine, rescapée du Bataclan, a vécu les neuf mois de procès du 13 Novembre. Elle a tenu à être présente au procès de l’attentat de Nice pour aider les familles.

As-tu des premiers retours des victimes qui ont suivi cette première semaine de procès ? 

J’ai eu le sentiment que cette semaine avait été riche en émotions et en prises de conscience pour les victimes. Les retours que j’ai eus sont plutôt variés. 

Celles et ceux qui sont montés sur Paris m’ont confié qu’assister à l’audience dans la Cour d’assises donnait une dimension particulière au procès. 

D’autres sont évidemment frustrés de ne pas pouvoir se rendre à Paris à cause de leurs obligations familiales et professionnelles. La distance géographique entre eux et la Cour, ce lieu solennel, est parfois difficile à vivre. 

Certaines sont déjà épuisées, doivent faire face à des pics d’angoisse et peinent à trouver le sommeil. Il s’agit pour elles, de réussir à trouver le juste équilibre entre une fréquentation du procès qui ne les malmènera pas trop tout en leur permettant de peut-être obtenir des réponses à leurs questionnements et de comprendre les tenants et les aboutissants de ce procès. 

[Article] Chez certains rescapés, le procès débuté lundi réveille certaines douleurs, appréhensions ou traumatismes. Un processus « normal » selon leurs psychologues.

Les parties civiles qui vont témoigner attendent de déposer à la barre cette valise si lourde qu’elles portent depuis 6 années. Certaines vont s’adresser aux accusés, d’autres à la société. Certaines veulent dire ce qu’est une victime du terrorisme. D’autres veulent faire passer un message particulier ou encore entretenir la mémoire de leurs défunts… 

Elles attendent de ce procès que la justice passe et que les condamnations soient exemplaires.

Le conseil de Karen aux parties civiles : 

Essayez d’acquérir une « hygiène » du procès. Accordez-vous des temps de pause. Autorisez-vous à mettre ce procès à distance lorsqu’il devient insoutenable. 

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