Oublier un sac, porter un boulet – Catherine et Margaux

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Lourde est la conscience du personnage qu’incarne Margaux dans son texte. Curieusement, face à elle, celle de Catherine devient légère. Entre elles, s’installe la discussion du fardeau : le fardeau de la responsabilité, celui de la prise de décision ou encore le poids d’un monologue intérieur. Toutes deux se sont inspirées de la vie quotidienne pour choisir leur objet : d’une part, un sac oublié remarqué par Margaux et de l’autre, le boulet de Catherine.

Un sac et un boulet

 

Pourtant, Margaux n’a jamais réellement vu un sac oublié dans le métro dont on découvre finalement, qu’il contient une bombe. Mais elle a bien compris le choix cornélien que pouvait représenter la responsabilité de prévenir les autorités à la vue d’un sac abandonné quand on ignore s’il s’agit vraiment d’un objet susceptible de provoquer un attentat. Ou encore la peur de se dire que le sac ne pourrait contenir une bombe et qu’elle ne pourrait pas être une victime d’attentat car…cela semble si réel.

Catherine, elle, connaît ce sentiment. Elle l’a vécu, elle était au Bataclan le soir du 13 novembre 2015. Profondément choquée par ce qu’elle a traversé, elle se met à dessiner. Un boulet déboule sur le papier et roule comme roulent son stress post-traumatique, ses cauchemars, ses angoisses, ses crises, … Elle le traîne avec elle puis elle lui donne vie, tout d’abord en publiant Chroniques d’une survivante, puis spécifiquement pour Margaux en créant un objet-boulet avec du papier mâché et de la peinture. Il  « matérialise [s]es souffrances qui sont, par définition, invisibles. Cela les rend visibles ». Pour elle, ce boulet fabriqué  de papier journal et de colle a une visée thérapeutique et est hautement symbolique. Elle a écrit entre les différentes couches de papier les états par lesquels elle est passée, elle les a ensuite « recouverts » par plus de peinture et de colle. Ce sentiment enfoui, elle le voit comme « quelque chose qui a besoin d’être extrait de [son] cerveau » et évoque  sa jubilation à avoir fabriqué ce boulet qui n’était jusque-là qu’en deux dimensions, sa satisfaction à se trouver dans une « phase d’action ».

 

La reconstruction après un attentat par Catherine Bertrand

La vigilance

 

C’est justement une partie de la discussion entre les deux femmes, qui tourne autour de la dissolution de responsabilité et de la difficulté de tout un chacun à appréhender une situation relative à un danger lorsque plusieurs personnes observent. Catherine dit d’ailleurs que : « Plus on est nombreux, moins il se passe quelque chose » pour signifier qu’un individu aura tendance à se reposer sur le groupe pour agir plutôt que prendre l’initiative d’une action.

Margaux observe que le boulet en tant qu’objet est relativement léger. Catherine le reconnaît en disant qu’elle ressent cette légèreté puisqu’au moment où elle parle, « [s]es souffrances ne sont pas présentes dans [s]a tête ». L’important était pour elle de concrétiser physiquement le boulet pour laisser sa marque et parce que concernant le procès du 13 novembre, « il y a très peu de traces physiques ».

 

Catherine et Margaux, liées par le boulet

Le rire est le symbole de la vie

 

Lorsque l’adolescente l’interroge sur son état de victime et la réalisation de son livre, Chroniques d’une survivante, Catherine n’hésite pas à lui dire « qu’on peut être victime d’attentat et avoir de l’humour, ce n’est pas incompatible ». Elle dit d’ailleurs qu’elle a grandi avec Les Inconnus et que l’humour fait partie des trois piliers de sa reconstruction, les deux autres étant le dessin et la musique. Elle ajoute : « Rire pour moi est le symbole de la vie ». Face à Margaux qui a adoré son livre et l’a fait lire à ses proches, Catherine se réjouit : « C’est comme ça que je travaille : en faisant passer des messages forts sans qu’on s’en rende compte. C’est vraiment mon objectif ».

 

Fort Boyaux – Sketch préféré des Inconnus par Catherine Bertrand

 

Le dessin a d’ailleurs été salvateur pour l’artiste qui n’a pas hésité à publier ses dessins que Margaux trouve « intimes ». Elle évoque sa volonté « de transmettre, d’informer les gens à quel point les souffrances psychiques peuvent être extrêmement agressives et destructrices ».

 

Extrait de la rencontre entre Catherine et Margaux à écouter ici

 

Comme le sac oublié de Margaux, le boulet de Catherine symbolise une conscience tourmentée, à retardement, qui nécessite des capacités de réflexion, sur soi ou sur les autres, afin de ne pas oublier l’humanité qui réside en chacun.

 

Lire le prochain article de La Galerie des Objets : A pied sur la Promenade – Aurore et André

 

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