L’indemnisation des victimes du terrorisme par le Fonds de Garantie

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Depuis la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’Etat, l’indemnisation des préjudices des victimes d’actes de terrorisme est gérée par un organisme spécifique : le Fond de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI). Ce fond est financé par une contribution prélevée sur les contrats d’assurances de biens.

Qui est indemnisé par le FGTI ?
  • Lorsque l’acte de terrorisme est survenu en France, le FGTI peut indemniser toutes les victimes de cet acte, sans distinction de nationalité.
  • Lorsque l’acte de terrorisme est survenu à l’étranger, les victimes de nationalité française peuvent être indemnisées.
Comment se déroule la procédure d’indemnisation ?

1/ Ouverture d’un dossier auprès du FGTI

> Le FGTI vous contacte directement

A la suite d’un acte de terrorisme, le procureur de la république recueille des informations et établit une liste de victimes qu’il communique au FGTI. L’organisme prend alors directement contact avec les ayants droits des victimes décédées et avec les victimes blessées physiquement.

> Vous ouvrez un dossier auprès du FGTI

Toute personne s’estimant victime d’un acte de terrorisme peut d’elle-même s’adresser au Fonds de Garantie. Il faudra alors communiquer les documents suivants

Le formulaire du FGTI (pour les victimes directes / pour les ayants droits)

Un justificatif d’identité

Les justificatifs relatifs aux dommages corporels de la victime (certificats médicaux, certificat médical initial délivré par les CUMP etc.)

Une copie de la plainte déposée

Toutes pièces attestant de la présence de la victime sur les lieux

Un Relevé d’Identité Bancaire (RIB)

Si la démarche est effectuée par l’ayant droit d’une personne décédée : un justificatif du lien de parenté

2/ Les premières provisions

Une fois le dossier constitué et le statut de victime accordé, le fonds de Garantie verse une première provision dans un délai d’un mois à compter de la demande, afin que la victime puisse faire face aux premières dépenses du fait de l’acte de terrorisme.

Des provisions complémentaires peuvent être versées en fonction des frais à engager et de l’étendue du préjudice. Attention, des justificatifs sont obligatoires.

3/ L’expertise

Afin d’évaluer la totalité des préjudices, un médecin expert est missionné. La victime est alors convoquée pour une expertise afin de faire un point sur l’ensemble de ses préjudices.

Lors de cette expertise, la victime peut être accompagnée d’un médecin conseil de son choix ainsi que de son avocat, ce que nous conseillons. Cette étape peut être très difficile et il faut y être préparé.

Si l’expert estime que la victime n’est pas consolidée, autrement dit que ses lésions ne sont pas stabilisées, une nouvelle expertise sera programmée dans l’attente d’une stabilisation. D’après le FGTI, la consolidation correspond « au moment où les lésions se stabilisent, se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement ne permettra plus d’évolution favorable, si ce n’est pour éviter une aggravation » [1]

Si l’expert estime que la victime est consolidée, le FGTI peut proposer une indemnisation finale.

 4/ L’indemnisation finale

Sur la base de ce rapport d’expertise, le Fonds de Garantie formule une offre d’indemnisation à la victime.

> Qu’est ce qui est indemnisé ?

L’indemnisation des dommages corporels des victimes d’un acte de terrorisme est régie par le principe juridique dit de la réparation intégrale.

Concrètement, selon ce principe, l’indemnisation d’une victime d’un acte de terrorisme, doit avoir pour finalité de compenser les dommages subis, pour essayer autant que possible, de replacer la victime dans la situation qui était la sienne avant l’acte.

Pour établir une réparation, il est donc nécessaire de constater et d’évaluer toutes les conséquences de l’acte de terrorisme pour établir une somme d’indemnisation.

Afin de réaliser cette évaluation des préjudices de la victime, le FGTI a recours à la nomenclature Dintilhac (a) mais relève des préjudices spécifiques aux actes terroristes (b).

 a. Le recours à la nomenclature Dintilhac

La nomenclature Dintilhac est une nomenclature élaborée en 2005. L’objectif poursuivi était de permettre une classification commune des préjudices corporels, afin d’uniformiser et d’harmoniser les différentes méthodes d’indemnisation existantes.

Cette nomenclature n’a pas de valeur réglementaire, s’y référer n’est pas obligatoire. Toutefois, les acteurs du processus d’indemnisation s’accordent à l’utiliser de sorte que cette nomenclature est devenue aujourd’hui une réelle référence en la matière.

Alors, le FGTI évalue les préjudices des victimes en utilisant en partie cette classification.

Voici ci-dessous une liste des différentes classifications :

LES PRÉJUDICES DES VICTIMES DIRECTES

Les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Les dépenses de santé actuelles

Les frais médicaux, pharmaceutiques, d’hospitalisation et tous les frais paramédicaux. Des frais restant à charge peuvent être pris en compte. Il est essentiel de conserver tous les justificatifs de dépenses.

Les pertes de gains professionnels

Perte de revenus subie par la victime, du fait de son dommage, entre la date de l’acte de terrorisme et la date de consolidation, après intervention des organismes sociaux.

Les frais divers

Exemple : garde des enfants, soins ménagers, frais de transport et d’hébergement des proches pour rendre visite à la victime, assistance d’une tierce personne dans les actes de la vie courante, honoraires payés par la victime pour se faire conseiller et assister d’un médecin conseil lors des expertises médicales.

Les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

Les dépenses de santé futures

Frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques rendus nécessaires par l’état de santé de la victime après la consolidation.

Les frais de logement adapté

Frais liés à l’adaptation du logement de la victime pour le rendre compatible avec son handicap.

Les frais de véhicule adapté

Acquisition d’un véhicule, aménagements, besoin d’un transport en voiture plutôt que de transports en commun.

L’assistance par une tierce personne

Pour chiffrer ce poste de préjudice, il convient de fixer le coût horaire : Le tarif horaire de l’indemnisation se situe entre 16 et 25 euros de l’heure en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne. Elle est effectuée le plus souvent sous forme de rente.

La perte des gains professionnels futurs

Compenser la perte ou la diminution définitive des revenus de la victime due à son incapacité permanente. Le montant de l’indemnisation sera défini en fonction des justificatifs apportés (bulletins de salaires, avis d’imposition…)

L’incidence professionnelle

Même en l’absence de perte immédiate de revenu, la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail (fatigabilité de la victime au travail ou l’augmentation de la pénibilité de l’emploi, la perte de chance d’obtenir une promotion).

Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire

L’évaluation des gènes ressenties dans les actes de la vie courante est faite par le médecin expert du FGTI et son indemnisation mesurée en fonction de la durée et du caractère total ou partiel des gênes subies par la victime.

Les souffrances endurées

Les souffrances tant physiques que morales subies par la victime depuis l’évènement traumatique et jusqu’à la consolidation.

Le préjudice esthétique temporaire

Les atteintes physiques temporaires entraînant une altération de l’apparence physique, aux conséquences personnelles très préjudiciables.

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

Le déficit fonctionnel permanent

Les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle peut ressentir, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existences qu’elle rencontre au quotidien.

Le préjudice d’agrément

Réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de reprendre une activité sportive ou de loisirs qu’elle pratiquait régulièrement avant les faits.

Le préjudice sexuel

Cela comprend trois situations : l’acte de terrorisme a affecté l’aspect morphologique des organes sexuels,  l’acte de terrorisme a pour conséquence une perte de libido ou une perte de la capacité physique à réaliser l’acte sexuel ou encore l’acte de terrorisme a eu pour effet de nuire à la fertilité de la victime.

Le préjudice d’établissement

Perte l’espoir de réaliser tout projet personnel de vie, notamment fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap.

Préjudices permanents exceptionnels

Préjudices atypiques, qui ne peuvent être répertoriés dans les postes de préjudices classiques. Ils découlent de la nature ou les circonstances de l’acte, de la nature de la victime etc.

LES PRÉJUDICES DES VICTIMES INDIRECTES

Les victimes indirectes, également appelées victimes par ricochet, peuvent être également indemnisées. Attention, parmi les catégories ci-dessous, certaines ne sont applicables qu’en cas de décès de la victime directe.

Les préjudices patrimoniaux

Les frais d’obsèques (en cas de décès de la victime directe)

Indemniser les frais funéraires et de sépulture.

Les pertes de revenus des proches

Peut comprendre : la perte du revenu de la victime directe décédée qui était active et percevait une rémunération, la perte ou la diminution de revenu de la victime indirecte qui est dans l’incapacité totale ou partielle de poursuivre son activité en raison du traumatisme lié au décès de la personne proche.

Les frais divers des proches

Il s’agit des frais qui ne rentrent pas dans les postes précités (ex : transport, hébergement).

Les préjudices extra-patrimoniaux

Le préjudice d’affection

Préjudice moral subi par les proches (conjoints, ascendants, descendants, fratries). Un proche, dépourvu de lien de parenté avec la victime directe mais justifiant d’une communauté de vie avec celle-ci pourra se voir reconnaitre un préjudice d’affection.

Le préjudice d’accompagnement (en cas de décès de la victime directe)

Tous les troubles et perturbations de la vie quotidienne des victimes proches de la victime directe, résultant de leur accompagnement auprès d’elle, de l’acte de terrorisme jusqu’au décès (causé par les dommages). Il faut justifier d’une communauté de vie avec la victime.

Les préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels (en cas de survie de la victime directe)

Couvre les préjudices ne pouvant rentrer dans les autres catégories, et nécessite de démontrer une communauté de vie importante. A titre d’exemple, on peut relever le préjudice sexuel du conjoint ou concubin en raison du handicap subi par la victime directe pendant la maladie traumatique et après la consolidation.

b. La reconnaissance de préjudices spécifiquement liés aux actes de terrorisme

Lorsqu’il va indemniser une victime d’acte de terrorisme, le Fonds de Garantie va dépasser la nomenclature Dintilhac précédemment détaillée pour admettre des postes de préjudices spécifiques aux attaques terroristes.

La reconnaissance du préjudice d’angoisse de mort imminente et du préjudice d’attente et d’inquiétude

Le préjudice spécifique d’angoisse des victimes directes

Le groupe de contact des avocats de victimes du terrorisme définit ce préjudice comme le « préjudice autonome exceptionnel inhérent à une souffrance supplémentaire distincte et résultant pour les victimes décédées : de la conscience d’une mort imminente et pour les victimes survivantes : de la même angoisse d’une crainte pour leur existence. » [2]

Le préjudice spécifique temporaire d’attente et d’inquiétude des victimes par ricochet

Ce préjudice concerne quant à lui les victimes par ricochet, c’est-à-dire les proches des victimes directes de l’attentat. Il vise à indemniser le préjudice résultant des sentiments d’affolement, d’agitation, d’épouvante [3] ressentis par les proches de personnes directement touchées par l’attaque, dans l’attente d’information sur leur état de santé.

La reconnaissance du préjudice exceptionnel spécifique aux victimes d’actes de terrorisme (PESVT)

Le PESVT a été mis en place en 2014 par le Fonds de garantie, remplaçant ainsi le préjudice spécifique des victimes du terrorisme (PSVT).

Il s’agit d’un préjudice complémentaire, autonome donc des autres chefs de préjudice, qui est accordé en raison du caractère particulier de l’acte et la spécificité des troubles qui en résulte (syndrome post-traumatique par exemple).

Il est attribué :

  • Aux victimes directes, le montant de l’indemnisation ne peut être inférieur à 10 000 euros dans ce cas
  • Aux victimes par ricochet en cas de décès de la victime directe. Le montant de l’indemnisation dépendra alors du lien de parenté.

> Que faire une fois l’offre d’indemnisation reçue ?

Si le calcul du montant de l’indemnisation d’une victime d’un acte de terrorisme se fonde sur une nomenclature précise et s’inspire de barèmes, il n’en reste pas moins que ce calcul doit être individualisé.

Alors, il se peut que plusieurs personnes impactées par le même acte terroriste reçoivent, pour chacune d’entre elles, une indemnisation différente.

Devant l’offre d’indemnisation, la victime d’un acte de terrorisme a alors trois choix :

  • Accepter l’offre d’indemnisation
  • Discuter l’offre d’indemnisation en réalisant une contre-proposition motivée
  • Refuser l’offre d’indemnisation.

En cas de désaccord il est possible de saisir le médiateur du FGTI.

Si aucun accord n’est trouvé, il est alors possible de porter le dossier devant le juge de l’indemnisation des victimes d’attentats terroristes (JIVAT) crée par la loi du 23-03-2019. Il s’agit d’une juridiction affectée au TGI de Paris, spécifiquement compétente pour les affaires de terrorisme.

Ce juge spécialisé sera également compétent si une personne s’estimant victime d’un acte de terrorisme ne se voit pas accorder ce statut par le Fonds de Garantie et souhaite contester cette décision.

5/ La réouverture du dossier

En principe, lorsque l’indemnisation est acceptée et versée, le dossier se clôt et la victime ne peut prétendre à obtenir plus que la somme qui lui a été attribuée.

Cependant, la victime a la possibilité de demander la réouverture de son dossier d’indemnisation dans un cas : en cas d’aggravation de son état de santé, lorsque cette aggravation a un lien direct et certain avec l’événement traumatique initial.

Il peut s’agir de l’aggravation d’un préjudice préexistant, ou l’apparition d’un nouveau préjudice non décelé.

Alors, une expertise sera de nouveau instituée pour constater cette aggravation, en prenant pour base la situation médicale observée avant la consolidation de la victime.

Si le médecin expert conclut à une aggravation en lien avec l’acte de terrorisme, le dossier de la victime pourra être réouvert et celle-ci percevoir un complément d’indemnisation.

Si vous avez des questions autour de cette procédure, le service juridique de l’AfVT se tient à votre disposition pour tout renseignement au 01 84 79 10 10 ou à l’adresse suivante : service.juridique@afvt.org .

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[1] https://www.fondsdegarantie.fr/wp-content/uploads/2019/07/Guide-pour-l-indemnisation-des-victimes-dactes-de-terrorisme_juillet2019.pdf

[2] Livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats, page 25.

[3] Op.cit.

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