D’ici 2022, 75% des condamnés pour terrorisme auront purgé leur peine. Cette situation inquiète. En effet, alors que les aménagements de peine sont reconnus comme un droit pour les détenus, ils sont d’une certaine façon, une exception, pour les auteurs d’infractions terroristes. Le choix est celui de la sécurité. Cependant, l’absence d’aménagement de peine conduit à une sortie sèche pour le détenu. Celle-ci peut jouer un rôle dans la réitération. Le législateur a mis alors en place des dispositifs afin de contrôler la sortie des détenus pour terrorisme. Mais ces dispositifs ne semblent pas suffisants comme en atteste la proposition de mesure de sûreté proposée l’été dernier par le Parlement. Il s’agit ici d’étudier les différentes mesures mises en œuvre notamment, les MICAS, mesures peu connues, et pourtant fortement appliquées.
Quels sont les dispositifs existants ?
Il existe de nombreuses mesures, qui peuvent être prononcées tant par les autorités administratives que par les autorités judiciaires.
Par exemple, les sortants de prison peuvent faire l’objet d’une surveillance par les services de renseignement. En effet, les services pénitentiaires vont communiquer à la DGSI des notes de signalement en fin d’incarcération du détenu pour terrorisme. Au niveau judiciaire, les inscriptions au FIJAIT se font quasiment systématiquement lors du prononcé de la peine. Le FIJAIT, est le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, il a pour objectif d’empêcher le renouvellement d’acte terroriste. L’inscription conduit son auteur à se présenter tous les trois mois aux autorités, justifier de leur adresse et prévenir avant tout déplacement transfrontalier.
Toujours dans les dispositifs judiciaires, le suivi socio-judiciaire, applicable depuis 2016. Mais en vertu de la non-rétroactivité, seules les personnes ayant commis des faits depuis quatre ans peuvent y être soumises.
Focus : Les MICAS
Les MICAS (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) sont des dispositifs de police administrative, elles permettent de prévenir. En effet, l’autorité administrative peut interdire à une personne constituant une menace de se déplacer à l’extérieur d’un certain périmètre géographique, d’accéder à certains lieux ou encore d’entrer en relation avec certaines personnes ainsi que de procéder à des visites domiciliaires et saisies. A cet effet, entre novembre 2018 et novembre 2019, 134 MICAS ont été prononcées.
Mais, ces mesures, ont revêtu un caractère expérimental et auraient dû prendre fin le 31 décembre 2020. Du fait de leur non-pérennité, une nouvelle mesure a été proposée.
Une nouvelle mesure proposée, mais une mesure censurée
La proposition de loi, avait pour objectif de prononcer des mesures de sûreté à l’encontre d’une personne condamnée pour terrorisme, lors de sa sortie de prison. Ces mesures devaient être du ressort de la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris. Elles pouvaient être prononcées :
- aux condamnés à des peines de prison lourdes (supérieures à cinq ans ou à trois ans en cas de récidive)
- qui présentent, à la fin de l’exécution de leur peine, une particulière dangerosité « caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Les mesures ne pouvaient être prononcées que sous certaines conditions, notamment si elles étaient le seul moyen pour prévenir sa récidive et lorsque les dispositifs existants s’avéraient insuffisants. Les mesures pouvaient être prononcées pour un an maximum mais étaient renouvelables dans la limite de cinq ans, voire dix ans pour des infractions terroristes punies de plus de dix ans de prison.
Enfin, les mesures s’articulaient en différentes obligations notamment :
- répondre aux convocations du juge de l’application des peines
- communiquer les renseignements ou documents permettant de contrôler les moyens d’existence et de l’exécution de ses obligations au SPIP ( Service pénitentiaire d’insertion et de probation).
- prévenir le SPIP de ses changements d’emploi et de résidence ou de tout déplacement de plus de 15 jours et rendre compte de son retour
- se présenter périodiquement aux services de police (dans la limite de trois fois par semaine)
- ne pas entrer en relation avec certaine personne
- ne pas détenir ou porter une arme
- (…)
Le Conseil Constitutionnel a cependant censuré cette proposition de loi, estimant que la mesure de sûreté porte atteinte à la liberté d’aller et venir, à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.
Ainsi, la question d’un suivi des sortants de prison pour infractions terroristes reste en suspens.
SOURCES :
- Rapport Assemblée nationale n°3116, Rapport instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine (n° 2754), site de l’Assemblée Nationale, 17 juin 2020 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3116_rapport-fond
- « Terrorisme : en France, 130 détenus radicalisés libérables », Le Point, 23 avril 2020, https://www.lepoint.fr/societe/terrorisme-en-france-130-detenus-radicalises-liberables-23-04-2020-2372623_23.php
- « Le Conseil constitutionnel censure la loi de sûreté contre les ex-détenus terroristes », Le Monde, 8 aout 2020,
- « «Mesures de sûreté» pour les terroristes sortant de prison : la loi LREM censurée », Le Parisien, 7 aout 2020,
- « Loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine », Vie publique, 11 aout 2020