Bilan du procès de l’attentat raté des Bonbonnes de gaz et de l’agression de Boussy-saint-Antoine

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Du lundi 23 septembre 2019 au lundi 14 octobre 2019 s’est tenu, devant la cour d’assises spécialement composée, le procès dit « bonbonnes de gaz » où huit accusés, dont six femmes, comparaissaient pour tentative d’attentat à la voiture piégée et ses suites, dont deux tentatives d’assassinat sur des policiers.

Ce procès revêt une importance toute particulière en ce qu’il est l’un des premiers procès d’assises en relation avec l’État islamique et qu’il est le premier procès dont la majorité des accusés sont des femmes (six femmes accusées et deux hommes). Il révèle ainsi la nouvelle stratégie de l’EI, consistant à utiliser indifféremment tous ses soutiens, hommes et femmes, pour frapper.

L’AfVT s’est portée partie-civile du fait de l’existence d’un policier blessé, du nombre de victimes potentielles qu’aurait engendré l’explosion de la voiture mais aussi pour porter la voix de toutes les victimes du terrorisme et rendre hommage aux forces de l’ordre qui luttent au quotidien contre ce fléau. Nous y étions représentés par Maître Claire JOSSERAND-SCHMIDT.

L’AfVT s’est mobilisée tout au long de ce procès puisque le service juridique était présent tous les jours et le service des actions éducatives a invité une classe de Lycéens à une journée entière d’audience.

LES FAITS

Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, deux jeunes femmes fichées S (Inès MADANI et Ornella GILLIGMANN) déposent à proximité de la cathédrale Notre Dame de Paris, rue de la Bûcherie face à un restaurant bondé, une voiture à la cargaison mortelle : 6 bonbonnes de gaz dans le coffre, entourées d’une couverture imbibée de gazole. Une cigarette allumée est jetée dans le coffre, les deux femmes prennent alors la fuite laissant derrière elles la voiture prête à exploser.

Les forces de l’ordre seront averties de la présence suspecte d’une voiture aux feux de détresse allumés et stationnée en plein milieu de la chaussée. La couverture n’a pas pris feu empêchant les bonbonnes de gaz d’exploser.

Les deux femmes se sépareront le lendemain, Ornella GILLIGMANN rejoindra ses enfants et son ex-époux avec qui elle prendra la fuite vers Marseille avant d’être arrêtée le 6 septembre sur une aire d’autoroute.

Inès MADANI, avec l’aide de Samia CHALEL, trouvera refuge chez Amel SAKAOU à Boussy-Saint-Antoine. Sur place se trouve également Sarah HERVOUET qui avait quelques jours plus tôt envisagé d’égorger le Maire de Cogolin avant de renoncer et de rejoindre l’appartement de Boussy-Saint-Antoine.

Le 8 septembre 2016, un renseignement permet aux forces de l’ordre d’apprendre qu’Inès MADANI se trouve dans un appartement à Boussy-saint-Antoine. Un dispositif policier est alors mis en place sur place.

Inès MADANI, accompagnée d’Amel SAKAOU et Sarah HERVOUET, quittent l’appartement armées de couteaux. Sarah HERVOUET poignardera un conducteur stationné qui se révélera être un policier en planque.

Inès MADANI se dirigera, couteau à la main, face à l’un des policiers venus les arrêter suite à l’alerte lancée par le blessé. Ledit policier tirera quatre fois sur elle et la touchera deux fois aux jambes avant de pouvoir l’interpeller vivante.

Les trois femmes seront arrêtées ce jour-là.

L’information judiciaire révélera que toutes ces femmes étaient en lien avec l’Etat islamique, notamment avec le djihadiste franco-algérien Rachid KASSIM, et qu’elles avaient prêté allégeance à l’organisation terroriste. Pour rappel, Rachid KASSIM est le commanditaire de plusieurs attentats en France dont l’exécution du couple de policiers à Magnanville et l’égorgement du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray. Il publie le « guide du lion solitaire » destiné à aider les djihadistes Français à commettre des attentats en France. Ce guide conseille, notamment, de commettre un attentat avec une voiture remplie de bonbonnes de gaz ou encore d’égorger un Maire…Précisément les actes projetés ou tentés par les accusés. Rachid KASSIM est aujourd’hui présumé mort.

En outre, l’information judiciaire révélera que deux personnes étaient possiblement au courant de l’imminence d’actions violentes et n’auraient pas alerté les forces de l’ordre : Mohamed Lamine ABEROUZ et Selima ABOUDI.

Enfin, il sera découvert qu’Inès MADANI se faisait passer sur les réseaux sociaux pour un djihadiste revenu de Syrie et que, notamment, Ornella GILLIGMANN, Samia CHALEL et Selima ABOUDI étaient tombées amoureuse de « lui ». Inès MADANI se serait servie de cette fausse identité afin de recruter des femmes prêtes à passer l’action sur le territoire national.

LES POURSUITES

  • Inès MADANI est poursuivie pour association de malfaiteurs terroristes (AMT), tentative d’assassinat avec préméditation, en bande organisée, en lien avec une entreprise terroriste, complicité de tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, tentative de meurtre en lien avec une entreprise terroriste.
  • Ornella GILLIGMANN est poursuivie pour AMT, tentative d’assassinat avec préméditation, en bande organisée, en lien avec une entreprise terroriste.
  • Sarah HERVOUET est poursuivie pour AMT, tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste.
  • Amel SAKAOU est poursuivie pour AMT, complicité de tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste.
  • Samia CHALEL est poursuivie pour AMT.
  • Rachid KASSIM est poursuivi pour AMT, complicité de tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste.
  • Mohamed Lamine ABEROUZ est poursuivi pour non-dénonciation de crime.
  • Selima ABOUDI est poursuivie pour non-dénonciation de crime.

LE DÉROULÉ DU PROCÈS

Le procès s’est déroulé durant trois semaines afin d’établir les responsabilités des différents accusés.

Des experts de la police scientifique, des experts psychologues et psychiatres, des témoins proches des parties-civiles ou proches des accusés ont défilé à la barre durant le procès afin de répondre aux questions du Président, des avocats généraux et des avocats des parties-civiles.

L’AfVT a rédigé un compte-rendu du procès, le plus fidèle possible, prochainement consultable sur le site internet.

Fait notable, Amel SAKAOU a refusé de comparaître au procès. Elle a donc passé les 3 semaines d’audience dans la souricière du Palais de Justice.

Concernant la ligne de défense des accusés :

  • Inès MADANI reconnait l’attentat à la voiture piégée mais nie avoir voulu tuer le policier lors de son arrestation.
  • Ornella GILLIGMANN dit avoir voulu faire échouer l’attentat à la voiture piégée en mettant du gazole à la place de l’essence.
  • MADANI et GILLIGMANN se rejettent par ailleurs la responsabilité de l’initiative de la tentative d’attentat.
  • Sarah HERVOUET reconnait avoir blessé par arme blanche le conducteur. Elle nie en revanche avoir voulu le tuer tout comme elle nie avoir eu connaissance de sa qualité de policier.
  • Samia CHALEL reconnait les faits.
  • Mohamed Lamine ABEROUZ nie totalement les faits et dit ne pas avoir eu connaissance d’un projet d’attentat ou d’actions violentes.
  • Selima ABOUDI reconnait les faits.

LES RÉQUISITIONS

  • Rachid KASSIM : peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sureté à 22 ans.
  • Inès MADANI : 30 ans de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté des 2/3 et inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT).
  • Ornella GILLIGMANN : 25 ans de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté des 2/3 et inscription au FIJAIT.
  • Sarah HERVOUET : 20 années de réclusion criminelle assortie d’une période de sureté aux deux tiers et inscription FIJAIT
  • Amel SAKAOU : 20 années de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté de 2/3 et inscription au FIJAIT
  • Samia CHALEL : 10 ans d’emprisonnement assorti d’une période de sûreté des 2/3 et inscription au FIJAIT.
  • Mohamed lamine ABEROUZ : 5 ans d’emprisonnement et inscription au FIJAT.
  • Selima ABOUDI : 4 ans d’emprisonnement assorti d’un sursis mise à l’épreuve avec obligations de suivi psychologique, inscription au FIJAIT.

LES DERNIERS MOTS : LA PAROLE AUX ACCUSÉS

Après les plaidoiries des avocats, la parole a été donnée en dernier aux accusés.

  • Selima ABOUDI n’a pas souhaité s’exprimer.
  • Mohamed ABEROUZ a déclaré : « Je réaffirme n’avoir jamais eu connaissance qu’HERVOUET participe à une association de malfaiteurs terroristes, rien de ses relations avec les autres accusés, j’ai toujours cherché à la protéger. Et j’ai toujours condamné le terrorisme. Il faut pas déplorer Madame l’Avocat Général que je donne des conseils, il faut déplorer que je donne des conseils mais qu’ils n’étaient pas été suivis ! Je déplore que votre objectivité a cruellement fait défaut dans votre analyse contre moi contrairement aux autres accusés. J’espère que la Cour saura elle faire preuve d’objectivité. »
  • Samia CHALEL : « J’assume les faits, je n’ai jamais minimisé, je suis pas innocente, j’accepte la condamnation ».
  • Sarah HERVOUET : « C’était trois semaines intenses et riches en informations, j’espère que vous aurez entendu le message que je vous ai envoyé. J’accepte la condamnation et la peine que j’encours »
  • Ornella GILLIGMANN : « Je voudrai encore une fois m’excuser, je suis désolée d’être dans ce box, je demande le pardon, toute ma vie je le demanderai, je demande pardon à mes enfants, mon mari, à vous tous ici, j’ai passé 3 ans à me reconstruire, aujourd’hui je me sens forte à l’aller de l’avant, avec mes enfants, avec des projets professionnels. Je suis dans l’espérance d’une porte d’avenir. Et j’ai honte de l’image que je renvoie. »
  • Inès MADANI : « J’ai beaucoup de regret, j’ai vraiment honte d’être ici. Parce que c‘est une humiliation pour mes proches. J’ai honte d’être ici pour les faits qui me sont reprochés mais je les reconnais. Je présente mes excuses à vous, aux personnes que j’ai entrainé dans ma chute, aux personnes à qui j’ai pu nuire, auprès de ma famille. Je rejoins l’Avocat Général qui dit au moment des réquisitions que « le pire peut devenir le meilleur ». J’espère ne pas passer plus de temps en détention que j’en ai passé dehors (19 ans), je veux faire des études, me marier, avoir mon indépendance. Je reconnais les faits, je sais que je ne pourrai pas sortir demain. »

LE VERDICT

Trois ans après les faits, le lundi 14 octobre 2019, et après un délibéré de plus de dix heures, les magistrats professionnels de la Cour d’assises spéciale ont rendu leur verdict :

  • Rachid KASSIM, réputé mort, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
  • Inès MADANI est condamnée à 30 ans de réclusion criminelle.
  • Ornella GILLIGMANN est condamnée à 25 ans de réclusion criminelle.
  • Sarah HERVOUET est condamnée à 20 ans de réclusion criminelle.
  • Amel SAKAOU est condamnée à 20 ans de réclusion criminelle.
  • Samia CHALEL est condamnée à 5 ans d’emprisonnement dont un avec sursis.
  • Mohamed ABEROUZ est condamné à 3 ans d’emprisonnement.
  • Selima ABOUDI est condamnée à 3 ans d’emprisonnement avec sursis.

À l’issue du verdict, la recevabilité des parties-civiles a été étudiée par les magistrats et l’AfVT a été jugée recevable en sa constitution.

Le lundi 14 octobre aux alentours de 23h30, le procès s’est ainsi clôturé.

L’AfVT tient à saluer la très bonne tenue des débats, notamment grâce au Président de la Cour, qui se sont déroulés dans la dignité et la sérénité indispensables à la recherche de la vérité.

Le lundi 22 octobre, Inès MADANI a interjeté appel

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