Les victimes dialoguent avec les détenus de Fleury-Mérogis : se reconstruire, c’est possible
Bénéficiant du soutien actif du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), l’équipe de l’AfVT.org a organisé une rencontre-débat à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis visant à prévenir la radicalisation en milieu carcéral. Devant un auditoire réuni uniquement sur la base du volontariat, cinq membres de l’AfVT.org ont alternativement pris la parole afin de témoigner de leur expérience respective en tant que victime du terrorisme avant de répondre aux multiples questions des détenus.
Les intervenants
– Guillaume DENOIX DE SAINT MARC, Directeur-général de l’AfVT.org et modérateur de la conférence.
– Guy BENAROUSSE, blessé dans l’attentat de la rue des Rosiers, le 9 août 1982.
– Sébastien NOVELLA, dont le père a été tué dans un attentat en Arabie Saoudite, le 26 février 2007.
– Jean-Luc ALLIOT et Diana VIVARELLI, tous deux blessés dans l’attentat de la gare de Bologne, le 2 août 1980.
S’écouter, se parler, se respecter
Cette rencontre constitue un jalon significatif du programme Terrorisme, et si on écoutait les victimes ? au travers duquel l’AfVT.org s’efforce de promouvoir la visibilité des victimes du terrorisme et de porter leur voix dans l’espace public afin que celle-ci serve à prévenir les individus les plus vulnérables contre les phénomènes de radicalisation. Le fait d’intervenir dans les murs de la plus grande prison d’Europe a permis de faire entendre la voix des victimes dans un univers carcéral qui y est généralement hermétique et de la promouvoir auprès d’individus qui y ont été manifestement attentifs.
L’engouement des détenus en faveur de notre initiative s’est rapidement manifesté. Dès la phase d’inscription, l’administration pénitentiaire avait enregistré jusqu’à 120 détenus souhaitant participer à l’évènement. Néanmoins, compte tenu des impératifs d’espace et de sécurité, nous avons été contraints de restreindre le nombre de participants à une soixantaine. Une telle mobilisation semble démontrer que la thématique de la violence illégitime et de ses conséquences constitue une source de préoccupation et de réflexion parmi les détenus eux-mêmes. Répondre sans détour à leurs questions et instaurer un espace d’écoute et de dialogue sur des thématiques aussi sensibles constituent le stade préliminaire et nécessaire d’une véritable politique publique de prévention de la radicalisation.
Cette modalité d’intervention paraît d’autant plus nécessaire qu’elle possède, en l’espèce, une vertu pédagogique qui dépasse le strict cadre de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Par leur prise de parole, les cinq intervenants ont notamment mis en lumière la force de résilience des victimes du terrorisme, leur capacité à canaliser les souffrances et la colère qu’ils ont vécues pour les surmonter dans le cadre d’une démarche républicaine et citoyenne.
La voix des victimes : une nouvelle force citoyenne ?
Au-delà d’un discours visant à disqualifier la violence comme moyen d’action, les intervenants ont ainsi dispensé aux détenus un message de pacification, d’espoir et de confiance afin que ces derniers apprennent à transformer leurs sentiments de révolte, d’exclusion ou d’injustice en matériau positif en vue de leur réinsertion au sein de la société française.
La rencontre a régulièrement oscillé entre une écoute attentive et de vifs échanges d’idées lors des séances de questions ouvertes. Néanmoins, ayant su conserver leur spontanéité, les cinq intervenants sont parvenus à créer une forte interaction avec l’auditoire qui s’est révélé particulièrement réactif et participatif. La somme des retours positifs qui nous est parvenue, émanant des détenus ainsi que du Service pénitentiaire d’insertion et de probation, nous amène à penser que cette initiative pilote sera reconduite sous peu et étendue à d’autres lieux de privation de liberté où la pédagogie reste essentielle.