L’AfVT.org partenaire des premières Assises de la lutte contre la haine sur internet
À l’initiative de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) sous le patronage de la Garde des sceaux, la première édition des Assises de la lutte contre la haine sur Internet s’est tenue le 22 février 2015 dans l’enceinte de l’École supérieure de commerce de Paris. L’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org) a répondu à l’invitation de l’UEJF pour participer à cet événement en partenariat avec des associations, des acteurs du numérique et les pouvoirs publics engagés contre le racisme et les discriminations, parmi lesquels le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, SOS Racisme, la LICRA, Coexister, le CRIF, Respect Mag, Renaissance Numérique…
Face à la montée des provocations et des appels à la haine sur Internet, ces Assises ont été conçues de manière à constituer un forum de réflexion grâce auquel de nombreux acteurs de la société civile et professionnels du numérique ont pu échanger sur leurs compétences en vue de renforcer la réglementation de la liberté d’expression sur Internet. En effet, faisant fi des frontières, les communications effectuées sur Internet échappent partiellement au contrôle effectif des juridictions françaises ainsi qu’aux restrictions légales garanties par le code pénal en matière de liberté d’expression. Conséquence d’une telle carence, les messages de provocation et d’incitation à la haine prolifèrent sur les forums et s’imposent à l’ensemble des internautes : « Il y a la question des contenus qui ne sont plus seulement recherchés par les internautes, mais auxquels ils sont exposés systématiquement » a rappelé Sacha REINGEWIRTZ, président de l’UEJF.
Ayant vocation à prévenir les idées radicales et extrémistes pouvant favoriser les conditions d’un passage à l’acte violent, l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org) est préoccupée par la propagation des discours de haine et d’embrigadement sur les réseaux sociaux qui sont également des outils pour des recruteurs.
L’étude « Les Français et les propos sur Internet »
Les Assises ont débuté le matin par une série d’interventions liées aux « nouveaux » comportements induits par Internet, notamment la défiance à l’égard des médias traditionnels et la plus grande visibilité des théories conspirationnistes. Après un mot d’introduction du Secrétaire d’État en charge du numérique, les intervenants ont pu alimenter le débat sur la base d’une enquête réalisée par l’institut d’opinion Opinion Way en février 2015 à l’initiative de l’UEJF.
Selon cette étude, sur un échantillon de 1000 personnes interrogées au niveau national, un sondé sur deux dit avoir été confronté à des propos racistes et islamophobes sur Internet indifféremment de son sexe, de son âge ou de sa catégorie socio-professionnelle. Ces résultats démontrent que les contenus racistes ne sont pas circonscrits à des sites isolés ou destinés à une population précisément ciblée. Au contraire, l’observation de ces chiffres indique que les propos de nature raciste et discriminante sont rendus aisément visibles sur l’ensemble de la toile, en particulier sur les forums de discussion en cas d’absence de modérateur.
Dans une mesure moindre, mais néanmoins significative, 45% des internautes disent avoir été témoin de propos antisémites ou xénophobes et 38% de propos complotistes ou négationnistes. Selon 83% des sondés, la profusion des discours à teneur discriminante et diffamante sur les forums sociaux s’explique par l’anonymat conféré aux internautes. Nous ajoutons que ce type de comportement est sans nul doute entretenu par l’irresponsabilité juridique qu’assurent, en matière de liberté d’expression, les chartes d’utilisation des réseaux sociaux conformes au droit américain.
Les discours de haine à l’état brut ne sont pas seuls en cause. Nous devons être attentifs aux interprétations complotistes qu’Internet relaie avec une incroyable efficacité. En effet, toujours selon l’étude réalisée par Opinion Way, près de 20% des personnes interrogées considèrent la version officielle des attentats du 11 septembre 2001 comme n’étant pas crédible. Ce phénomène est particulièrement prégnant parmi les jeunes puisque 30% environ des 18-34 ans mettent en doute la version officielle des événements liés aux attentats du World Trade Center, de Charlie Hebdo / Hyper Cacher ou du musée juif de Bruxelles. Ce dernier constat attire, naturellement, toute l’attention des membres de l’AfVT.org.
Les tables rondes
L’après-midi a été consacrée à la tenue de quatre tables rondes simultanées au cours desquelles les échanges ont été ouverts entre un panel de représentants et de citoyens.
Stéphane LACOMBE, en sa qualité de responsable projet et communication de l’AfVT.org, a eu l’occasion d’exprimer la position de l’association en participant à la table ronde n°4 intitulée « La société civile face à la haine, parlons plus fort ».
Liste des intervenants :
– M. David AZENCOTT, humoriste.
– M. Denis BERNARD, association Le Refuge.
– M. Guillaume BROSSARD, fondateur du site @ HoaxBuster.
– M. Ilan SCIALOM, vice-président de l’association Coexister.
– M. Tarik SEDDAK, producteur de Studio Bagel.
– Mme Camille VAZIAGA, déléguée générale du think tank numérique Renaissance Numérique.
Modérateur : M. Alain GRANAT, fondateur du site @ JewPop.
Pour l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org), il faut travailler de manière pluridisciplinaire et non-partisane sur les dangers de la radicalisation sur Internet. Si la puissance publique doit pouvoir s’affirmer dans le monde virtuel, elle ne peut faire l’économie de la mise en place d’une citoyenneté numérique. Autrement dit, la démarche répressive qui consiste à bloquer des sites hors-la-loi doit être appliquée avec mesure car elle ne saurait faire disparaître en soi les contenus de haine et les messages extrémistes. Des ripostes ciblées peuvent être envisagées pour les sites et les plateformes les plus « toxiques » sur le plan de la diffusion des contenus extrémistes. Elles doivent être cependant accompagnées d’une architecture globale de contenus et de synergies participatives visant à responsabiliser les citoyens, notamment les plus jeunes, à l’usage d’internet.
Pour se reporter à l’audition de l’AfVT.org par le Conseil national du numérique en juillet 2014, cliquer ici.
Les Assises de la lutte contre la haine sur Internet ont pour objectif de répondre, de manière globale, aux carences relatives à l’encadrement de la liberté d’expression sur la toile. Dans le contexte des attentats de janvier 2015, les échanges ont porté pour l’essentiel sur les problématiques relatives à la provocation et à l’incitation d’actes terroristes.
Le dispositif législatif
Les intervenants ont entrepris d’apporter des propositions concrètes visant à renforcer le dispositif législatif de lutte contre le terrorisme adopté en novembre 2014, notamment dans le domaine du numérique. La loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 avait porté modification de la loi dit « pour la confiance dans l’économie numérique » en y insérant notamment deux dispositions novatrices.
Dans un premier temps, la loi prévoit que les fournisseurs d’accès à Internet mettent en place un système permettant aux abonnés de signaler aisément et rapidement les sites qui feraient l’apologie du terrorisme. Une fois avertis, les fournisseurs d’accès ont l’obligation de transmettre aux autorités françaises les coordonnées du site concerné afin que l’Office Central de Lutte contre la Cybercriminalité puisse exiger de celui-ci qu’il retire le contenu litigieux. En cas d’inertie de la part du site, l’autorité administrative pourra s’adresser immédiatement au fournisseur afin que le site soit supprimé dans son intégralité. Ce dispositif existait antérieurement pour les sites à caractère pédopornographique.
Dans un second temps, la loi prévoit une disposition plus controversée. L’autorité administrative peut, en dehors de tout contrôle du juge judiciaire, exiger des fournisseurs d’accès à internet qu’ils bloquent « sans délai » l’accès aux sites sur lesquels figurent des contenus qui incitent à la commission d’actes terroristes.
L’avis du Conseil national du numérique
Saisi le 25 juin 2014 par le ministère de l’Intérieur, le Conseil national du numérique (CNNum) identifie, dans son avis n°2014-3 du 15 juillet 2015, un certain nombre de carences dans le contenu de ce nouveau dispositif antiterroriste, notamment en matière numérique. Dans cet avis, le Conseil national du numérique souligne que la procédure de blocage des sites abritant un contenu litigieux est techniquement inefficace. En effet, prévoyant le blocage du site Internet dans son intégralité, cette procédure aurait pour conséquence d’entraîner mécaniquement le blocage des activités de tous les autres internautes participant au dit site, indépendamment du fait que ces dernières soient parfaitement légales. Cette procédure est donc manifestement inapplicable en ce qui concerne les réseaux sociaux tels que Facebook ou YouTube, précisément là où les incitations à la haine sont les plus visibles. De surcroît, en ciblant uniquement les propos à contenu haineux, les dispositions numériques de la loi n°2014-1353 s’avèrent relativement inefficaces pour lutter contre le phénomène du recrutement des filières djihadistes sur Internet. Enfin, du fait de l’éviction du juge judiciaire dans la procédure de contrôle, le CNNum dénonce l’absence de garanties suffisantes en matière de libertés individuelles.
Conclusion
Les Assises avaient notamment pour objectif d’approfondir les travaux qui avaient été réalisés par les membres du Conseil national du numérique concernant la haine sur Internet. L’AfVT.org a retenu quelques recommandations :
– Bloquer et déréférencer les sites faisant l’apologie du terrorisme et des appels au meurtre. Cette solution est possible uniquement dans le cadre d’un partenariat avec les industriels du numérique, en premier lieu les moteurs de recherche.
– Responsabiliser les internautes en instaurant un système d’amendes pour les auteurs de propos racistes, antisémites, homophobes ou appelant à la violence terroriste.
– Responsabiliser les « majors » de l’Internet, réseaux sociaux en priorité, pour les amener à lutter plus fermement contre les provocations à la haine. Parmi les solutions envisagées, nous partageons l’idée que les réseaux sociaux doivent introduire, dans leurs conditions d’utilisation, des dispositions plus restrictives au regard de la liberté d’expression (ex : interdiction des contenus négationnistes).
– Développer envers les collégiens et lycéens une véritable politique pédagogique sur l’usage d’Internet. Ce volet a pour objectif d’informer les jeunes sur les dangers de certains contenus tels que les théories complotistes.