« C’était ma meilleure amie, c’était une sœur de cœur ». Mélanie évoque Cécile, qu’elle connaissait depuis l’âge de six ans et avec qui elle a voyagé jusqu’au Caire, en colonie de vacances. C’est le 22 février 2009 qu’a été assassinée Cécile et c’est un souvenir que n’oubliera jamais Mélanie.
L’attentat du Caire – L’essentiel résumé par l’AfVT
Trop de cassures
Mélanie a désormais trente ans et pour rendre hommage à sa complice de toujours, elle revient sans filtre sur son amitié avec Cécile, leurs 400 coups, leur relation ou encore la blessure tant physique que psychologique qu’elle a subie le jour de sa disparition : « j’ai été quelques jours à l’hôpital, j’ai été blessée, j’ai eu une bille en plomb qui a traversé mon oreille et qui s’est logée dans ma cloison nasale. Donc j’ai dû me faire opérer. J’avais toute la mâchoire cassée, je suis restée un petit temps à l’hôpital et le jour où je suis sortie de l’hôpital, c’était le jour de l’enterrement de ma meilleure amie. Et en fait, ça a fait trop de cassures pour moi : je sortais de l’hôpital où j’étais dans ma bulle et je devais aller à l’enterrement de ma meilleure amie. Puis après je rentrais chez moi comme si de rien n’était. J’ai mis beaucoup de temps à m’en remettre ».
L’objet symbolique choisi par Emma est la bougie qu’on allume en souvenir « des personnes qui nous ont été chères et qui pourtant ne sont plus là ». Très sensible à ses paroles, Mélanie a, elle, choisi l’appareil-photo qu’elle avait emmené au Caire pour ces vacances et qui renfermait « plus de 500 photos de [sa] meilleure amie ».
L’appareil-photo de Mélanie au Caire, il y a plus de treize ans
Parce que la bougie brûle et parce qu’« elles brûleront un peu toujours », les deux femmes s’accordent à dire que l’appareil-photo permet de refléter le souvenir, à la manière de la lueur d’une bougie représentant les âmes.
Chacune entretient un lien avec l’objet de l’autre. Emma avoue qu’elle avait un temps pensé choisir elle aussi l’appareil-photo comme objet symbolisant le terrorisme car il donne plutôt pour elle ce reflet de la vie. Mélanie confie qu’à chaque commémoration de l’attentat du 22 février, c’est « généralement moi qui allume toutes les bougies et qui les donne à tout le monde ». Elle qui allume la flamme, insuffle un souffle de vie et incarne un message d’espoir qu’elle souhaite transmettre à l’adolescente : « Il ne faut pas avoir peur », car « ce n’est pas légitime…ce ne serait pas légitime qu’on ait peur ». La jeune femme est sûre d’elle : « « il n’y a rien qui doit nous abattre ».
Mélanie évoque Cécile et sa reconstruction pour l’AfVT
Emma admet qu’elle est impressionnée de rencontrer Mélanie, une victime du terrorisme qui témoigne. Est-elle traumatisée ? Comment faut-il s’adresser à elle ? De quoi faut-il lui parler ? Comment se comporter ? Très vite, Mélanie dissipe tout malentendu car : « Il n’y a pas d’interdits ». Se rencontrer en face-à-face, pour de vrai, et dialoguer, c’est ce qu’il y a de mieux, car sinon, ceux qui ne sont pas touchés par le terrorisme n’ont une connaissance de ce triste phénomène que par écran interposé, celui d’une télévision ou d’un smartphone. Sans être accusatrice, Mélanie constate que les autres, ceux qui sont informés par les médias, sont confrontés au sensationnalisme : « Souvent, vous avez ce voile par rapport aux écrans ».
Mélanie évoque son amitié avec Cécile et le souvenir qu’elle garde d’elle
Reflet des âmes envolées, la bougie symbolise également le deuil, une épreuve insurmontable pour Mélanie : « En ce qui concerne le décès de ma meilleure amie, je pense que jamais je n’arriverai au bout de ma phase de deuil. Jamais, je n’arriverai en phase d’acceptation. Je suis un petit peu encore, pas totalement, dans le déni mais je ne suis pas dans l’acceptation de ce qui s’est passé ». Selon elle, « la blessure reste ouverte mais elle fait de moins en moins mal. […] Ma blessure ne me fait pas mal mais elle restera ouverte ».
« La dernière photo » prise par Mélanie avec sa meilleure amie, Cécile Vannier
Lorsqu’Emma entend la longue et douloureuse reconstruction de Mélanie, elle cherche ensuite à savoir si celle-ci s’est remise de cet évènement tragique. Mélanie répond qu’« on ne s’en remet pas vraiment totalement ».
Mélanie Berthouloux-Dizin, habituée des rencontres avec les lycéens…
Emma conclut cet émouvant entretien durant lequel Mélanie s’est beaucoup livrée pour dire que les bougies qu’elle a choisies « ne représentent pas le côté mauvais de l’attentat, ça représente la lueur d’espoir ». Tout comme Mélanie, Emma accepte une forme de spiritualité et garde foi en la vie et l’amour qu’incarnent de simples objets comme un appareil photo ou une bougie : « Plutôt que se concentrer sur les évènements, on se concentre sur la lumière qui reste ».
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