« Les objets du quotidien » aurait pu être le thème de la conversation entre Hugues d’Amécourt et Meldan. Meldan présente l’affiche Vigipirate, qu’il est habitué à voir tous les jours depuis des années devant les établissements scolaires ou publics. Hugues, quant à lui, montre à Meldan son ancien téléphone, un BlackBerry. Au fur et à mesure de la conversation, on comprend que Meldan a vécu un jour d’école perturbé par une urgence Vigipirate à cause d’un individu transportant un colis suspect non loin de son établissement. Quant au BlackBerry d’Hugues, c’est celui qui l’a suivi tout le long de la nuit d’horreur du 26 au 27 novembre 2009 au Taj Mahal Hotel de Bombay pendant laquelle une dizaine de terroristes a investi la capitale pour commettre des attentats coordonnés de grande envergure.
L’attentat de Mumbai – L’essentiel résumé par l’AfVT
Un BlackBerry entre des kalachnikovs à Mumbai et un canapé à Paris
Hugues explique : « Au moment où les terroristes sont arrivés, ont mitraillé le restaurant et ont commencé à tuer des individus, j’étais au téléphone à table avec ma femme restée à Paris. Ce téléphone est resté avec moi en ligne tout le temps jusqu’à trois heures du matin. […] [Il] a été l’objet représentatif de la nuit que ma femme et moi avons passée. Elle était en ligne avec son mari attaqué par les terroristes et risquant de mourir d’une minute à l’autre alors qu’elle était dans le canapé dans l’appartement à Paris ».
Extrait de la rencontre entre Hugues et Meldan
Cette vision effrayante insuffle à Meldan un sentiment de compassion lorsqu’il essaie d’imaginer la difficulté que cette épreuve a dû être et l’élément d’espoir qu’a donc représenté ce téléphone portable. Captivé par le récit d’Hugues, Meldan s’intéresse à la façon dont le téléphone a servi de lien avec l’extérieur pour à la fois rassurer l’épouse d’Hugues mais aussi pour prévenir qu’une prise d’otages était en cours. En effet, le chaos était tel dans toute la ville de Bombay que les autorités étaient dépassées tandis qu’Hugues essayait tant bien que mal d’informer les autorités diplomatiques françaises du déroulé de l’attentat.
Hugues fait part de son intense récit à Meldan
La mort était derrière la porte
Malgré son impuissance depuis la baggage-room dans laquelle il s’était réfugié avec cinq autres personnes, Hugues a tout fait pour garder son sang-froid et faire en sorte que toute le monde ressorte vivant : « J’étais celui qui avait le moins perdu les pédales. J’ai eu des réactions plus raisonnables et apaisées que d’autres. Certains ont eu des crises de nerfs qu’on a dû calmer…, tu imagines comment … Quand la mort est derrière la porte, on ne se contrôle pas, il y a de l’adrénaline…J’ai pris ce rôle d’essayer d’apaiser et de canaliser tout le monde ». Finalement, Hugues avait beaucoup de pouvoir depuis la pièce où il était enfermé, comme celle de résister lorsque des terroristes ont tout fait pour ouvrir la porte et ont tiré à travers en espérant blesser ceux qui s’y trouvaient. En vain. Avec beaucoup de certitude, Hugues dit à Meldan : « Je pensais surtout à en sortir et je n’en ai jamais douté. Pendant toute cette nuit, je n’ai jamais imaginé que je mourrais ce soir-là ».
Le BlackBerry d’Hugues au centre des évènements en 2009
Ce rapport à l’impuissance puis à la résistance inspire Meldan qui confie à Hugues vouloir être réserviste dans la gendarmerie nationale en raison des missions de surveillance Vigipirate, ou, pourquoi pas, rentrer dans la police nationale ou même au sein de l’Armée de terre pour effectuer des missions Sentinelle. Il confirme à Hugues que le protocole Vigipirate a bercé son enfance et l’amène à vouloir s’investir pour protéger. Hugues salue cet engagement, lui qui admet que les affiches de risque attentat, « ça fait partie du quotidien maintenant donc on n’y fait plus vraiment attention ». Le risque terroriste selon eux mérite de la vigilance et voir des sentinelles en action les apaise et les rassure.
Le plan Vigipirate ? C’est quoi ?
Plan de résistance
Dans ce chaos qu’a vécu Hugues, les incendies, l’obscurité, la douleur, l’inconnu, le moment de sortir de cette pièce sombre et de revenir à la réalité ne s’est pas fait sans difficultés. Avant d’y entrer, il a déjà dû faire face à des situations dramatiques et traumatisantes, des clients assassinés sous ses yeux. En sortant, le déni l’habite. Lui-même ne se décrit pas alors comme une victime, son cerveau ne veut pas l’assumer. Jusqu’aux attentats en France de 2015 : janvier d’abord, puis novembre. C’est alors que son stress post-traumatique apparaît violemment et va faire sombrer Hugues dans un tourbillon très sombre dont il tente toujours aujourd’hui de se relever : « J’ai pris le parti de comprendre qu’il y aurait un avant et un après et que je devrais vivre avec ça. J’ai compris que j’étais dans un parcours de résilience et de partage, qui m’amenait à assumer et retranscrire mes sentiments et sensations avec les autres ». Cette parole de victime inspire beaucoup Meldan quant à la marche à suivre. Il incite d’ailleurs l’adolescent à voir Hotel Mumbai, le film australien qui s’est inspiré de l’attentat. Désormais s’ouvre une porte vers l’optimisme grâce à ce que représente Meldan : une jeunesse qui ne se laissera pas intimider par le terrorisme et qui au contraire entre en résistance contre l’extrémisme.
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