Contexte
Le 8 septembre 2021 s’ouvrira au Tribunal Judiciaire de Paris, le procès des attentats du 13 novembre 2015. Procès historique et exceptionnel avec 1800 parties civiles et 300 avocats pour les représenter.
Si une majorité de victime s’est constituée partie civile, d’autres en revanche n’ont pas souhaité s’inscrire dans cette démarche. Or, certaines de ces victimes ont été contactées par des cabinets d’avocats dans l’optique de pouvoir les représenter lors du procès qui débutera en septembre.
Si en 2016 le garde des sceaux de l’époque avait déjà été interpelé par un sénateur sur les pratiques de certains avocats qui se seraient rendus jusque dans les hôpitaux pour proposer leur service aux blessés immédiatement après les attentats du 13 novembre. Aujourd’hui à l’aube du procès du 13 novembre, de nouvelles dérives ont eu lieu début juillet.
Arthur Dénouveaux, président de l’association des victimes de l’attentat des victimes des attentats du 13 novembre 2015, Life for Paris, a publié sur son compte Twitter deux exemples de lettres reçues par des victimes, afin de rendre public ces prises de contact. D’autres avocats ont également pris contact directement avec des victimes par téléphone, SMS ou messageries sociales.
Dans un tweet du 8 juillet 2021, Olivier Cousi, Bâtonnier de Paris, assure que l’ordre « s’est saisi de ce sujet dans le respect de la confidentialité des procédures ».
Mais comment qualifier déontologiquement de telles démarches ?
Démarchage ou sollicitation personnalisée ?
Le règlement intérieur nationale (RIN ci -après) encadre les règles et usages de la profession d’avocat.
L’article 10 du RIN encadre plus particulièrement les règles relatives à la communication de l’avocat.
Si la sollicitation personnalisée, entendu comme un mode de publicité personnelle dépassant la simple information et destinée à promouvoir les services de l’avocat à l’attention d’une personne déterminée, est autorisée. En revanche le démarchage, lui est formellement interdit.
Les courriers envoyés adressés directement aux victimes afin de promouvoir les services des cabinets émetteurs sont qualifiables de « sollicitation personnalisée » et non de démarchage. Ils sont donc en principe autorisé.
Ces comportements sont-ils contraires à la déontologie de l’avocat ?
Néanmoins, pour être conforme à la déontologie de l’avocat, une sollicitation personnalisée doit respecter deux formalités.
En premier lieu, la sollicitation personnalisée ne peut se faire que par voie postale ou par mail et il est parfaitement interdit de solliciter de potentiels clients par SMS, appels ou messages directement sur les réseaux sociaux (Article 10.3.2 RIN)
Les cabinets ayant donc pris contact directement avec les victimes des attentats via SMS, appels ou messages privés, ont donc adopté une pratique contraire à la déontologie de l’avocat, cette pratique étant interdite par le RIN.
En second lieu toute publicité doit être communiquée sans délai au conseil de l’ordre. (Article 10.3.5 RIN)
Concernant l’un des courriers publiés sur le compte Tweeter du président de l’association Life fort Paris, l’avocat auteur de cette lettre explique avoir effectivement communiqué au préalable les exemples de courrier qu’il allait transmettre aux victimes pour obtenir leur validation avant envoi. Si cette formalité a bien été respecté il semblerait donc que cette sollicitation soit conforme à la déontologie de l’avocat.
Sources
- Article 10 et suivant du Règlement intérieur national
- Question écrite n° 20456 de M. Jean-Noël Guérini (Bouches-du-Rhône – RDSE) publiée dans le JO Sénat du 10/03/2016 – page 928 : https://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ160320456.html
- Procès des attentats du 13 novembre : l’épineux cas des victimes démarchées par des avocats, Par Nicolas Quenel, Publié le 21/07/2021, consulté le 29/07/21 https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/proces-des-attentats-du-13-novembre-lepineux-cas-des-victimes-demarchees-par-des-avocats