Témoignage de soutien aux victimes de l’attentat de Berlin
48 heures après l’attaque au camion ayant visé un marché de Noël dans une zone très fréquentée de la ville, Elisa GUTOWSKI* a tenu à exprimer sa solidarité avec les victimes sur le site de l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org).
La terreur n’a pas de pays attitré. Elle nous frappe de plein fouet sans distinction.
La capitale allemande en a fait les frais le 19 décembre 2016 sur un marché de Noël. L’évènement ne va pas tarder à paraître lointain. Rien d’étonnant, malheureusement. Les attentats s’enchaînent à une telle vitesse que l’indifférence survient rapidement. La succession de ces drames se fait de la façon la plus naturelle qui soit.
Or les noms des victimes sont de plus en plus nombreux, tout comme le nombre de familles endeuillées.
Le problème est bien là, les attentats surviennent les uns après les autres et s’infiltrent tout doucement dans notre quotidien comme une forme de virus qui se propagerait de manière persistante.
Je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces familles dont la vie est marquée à jamais.
Dès le lendemain de l’attaque, je me suis empressée de recueillir l’avis et les réactions de mon entourage. Quelles ne furent pas leurs réactions ou plutôt leurs « non-réactions »…
Pas le moindre étonnement et un ressenti amoindri. Je pouvais lire sur leur visage un cruel manque de réaction.
Je m’attendais à voir des gens abasourdis et révoltés mais il n’en était rien.
Certes, nous ne pouvons pleurer tous les malheurs du monde. Néanmoins, ce manque de compassion m’a choquée. Je n’ai pas pu m’empêcher de répondre sèchement : « Et si ça avait été vous ou un membre de votre famille ? »
On m’a répondu : « De toute façon, on ne peut rien y faire. »
Alors oui, je ne pourrai jamais me lever un matin et décider de me venger en allant tuer un terroriste, mais je peux exprimer mon indignation et la faire valoir. Je ne suis ni Madame Merkel ni Monsieur Hollande et ce n’est pas à moi de décider de bombarder et/ou d’intervenir en Syrie tout en ayant ma propre opinion à ce sujet. Je pense qu’il est de notre devoir à tous de ne pas rester passifs, en tant que citoyens.
Je m’interroge : où est notre bel esprit du 11 janvier que le monde entier a admiré, ces millions de gens dans les rues qui s’élevaient contre la barbarie et pour la liberté ? Les attentats auraient-ils une cote de popularité propre sur un laps de temps défini ? Toutes les victimes se valent-elles ?
Notre société s’est-elle habituée à cette litanie de la haine ? À l’heure où j’appose ces mots, c’est-à-dire moins de 48 heures après cet attentat, je crains que les noms des 12 victimes ne soient rapidement oubliés.
Détruire un marché de Noël est un symbole fort. En tant que Française de confession juive, j’ai toujours fréquenté les marchés de Noël, et bien que je ne célèbre pas cette fête, j’ai ressenti un profond sentiment de colère et de tristesse, et la résignation m’est insupportable.
Nous vivons dans une société qui se soucie peu de ses morts, préférant retenir le nom et le visage des terroristes.
Nous vivons dans une société qui tend à la banalisation de l’acte terroriste, parfois réduit à un fait divers plus croustillant que la moyenne.
Ce n’est pas dans ce genre de monde que je souhaite vivre. Nos droits et notre liberté sont sans cesse bafoués et mis en péril, ce dont la société civile semble peu à peu s’accommoder.
Sommes-nous prêts à perdre la bataille ? Avons-nous baissé les bras ? Bien loin l’idée de parler de politique et de stratégie militaire, c’est un combat contre ce silence assourdissant qu’il est important de mener.
Le terrorisme est nourri par des représentations idéologiques, et si nous tenons tant que ça à nos idéaux, il ne faut jamais s’arrêter de les défendre et de les honorer.
Le terrorisme n’a pas de frontières, il nous touche tous et est le même partout que ce soit à Paris, Berlin, Bruxelles, Istanbul, Orlando, Quetta ou Tel Aviv.
Aujourd’hui, je veux juste penser aux familles qui partageaient un moment de joie à Berlin, pour les fêtes de Noël.
*Elisa GUTOWSKI a perdu son oncle, François-Michel SAADA, dans l’attentat contre le magasin Hyper Cacher, le 9 janvier 2015.
Un commentaire
Marie Rouat
29 décembre 2016 at 11 h 01 min
Oui ce monde est bizarre .J’ai connu Mr Saada lorsqu’il travaillait au Jacquard Français, J’étais une de ses clientes et nous avions passé deux soirées au stade de France avec d’autres clients lors des finales du top 14 . Quand j’ai appris qu’il était une des victimes de l’hyper cacher , ça m’ a vraiment bouleversée. Quand on met un visage sur le nom d’une victime l’émotion est plus forte… Et puis le 13 novembre ma fille dansait au bataclan et n’en est jamais ressorti… Estelle, 25 ans. Depuis j’essaie de penser à toutes les victimes quand je pense à ma fille, elles sont trop nombreuses maintenant , malheureusement, mais quelques noms et visages sont déjà gravés dans ma mémoire .