18 octobre 2013 : Terrorisme, et si on écoutait les victimes ? – Vannes

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Terrorisme_ecoute_victimes_logo_150Vendredi 18 octobre 2013

 

Rencontre au lycée Saint-Paul de Vannes (Morbihan)

 

A l’occasion de la journée de témoignages organisée chaque année au Lycée catholique Saint-Paul, l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org) a demandé à deux personnalités de témoigner de leur parcours dans le cadre de son action « Terrorisme, et si on écoutait les victimes ? ».

 

Les intervenants

Jean-Louis NORMANDIN, président de l’association Otages du Monde, et Anaële ABESCAT, victime du terrorisme et membre de l’AfVT.org, ont pu témoigner de leur parcours en exposant les épreuves qu’ils ont subies et la manière dont ils se sont reconstruits.

Jean-Louis NORMANDIN a été enlevé le 8 mars 1986 à Beyrouth (Liban) aux côtés de 3 autres journalistes, Aurel CORNEA, Georges HANSEN et Philippe ROCHOT, et a été libéré le 27 novembre 1987 aux côtés du journaliste Roger AUQUE.

Anaële ABESCAT a perdu son père le 26 février 2007 dans une attaque contre des ressortissants français en Arabie Saoudite.

 

De gauche à droite : Jean-Louis NORMANDIN,
Anaële ABESCAT et Stéphane LACOMBE

Le planning de la journée

09h00-10h15 : première session dans l’amphi du lycée devant 200 élèves et une dizaine d’adultes. Les deux intervenants se sont exprimés et ont répondu aux questions écrites qui leur parvenaient. Stéphane GIRARDOT était le modérateur.

10h30-11h45 : travail en atelier avec un groupe d’élèves qui a poursuivi les échanges de manière plus directe avec Jean-Louis NORMANDIN et Anaële ABESCAT.

11h00-12h00 : travail en atelier avec un petit groupe d’élèves à partir du catalogue issu de l’exposition « Europe contre le terrorisme, le regard de la victime ». Ces travaux sont reproduits un peu plus loin dans cet article.

13h45-15h00 : deuxième session de témoignage dans l’amphi du lycée, en reprenant le dispositif du matin.

15h-16h30 : debriefing de la journée avec les intervenants et l’équipe pédagogique.

16h45 : départ du lycée Saint-Paul.

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Les questions des élèves à Jean-Louis NORMANDIN

Que demandaient vos ravisseurs ?

Quelles ont été vos conditions de détention ?

Avez-vous souffert du fameux syndrome de Stockholm ?

Étiez-vous isolé ou aviez-vous des échanges avec les autres otages français ?

Aviez-vous un retour du monde extérieur en détention ?

Avez-vous tenté de vous rebeller ?

Vos ravisseurs étaient-ils plus violents physiquement ou psychologiquement ?

Qu’avez-vous ressenti lors de votre libération ?

Quel est le plus dur dans le retour à la vie normale ?

Ressentez-vous le besoin d’intervenir personnellement sur le terrain pour libérer des otages ?

Quelles sont les actions menées par l’association « Otages du Monde » ?

 

Les questions des élèves à Anaële ABESCAT

Comment avez-vous pu échapper à l’attentat ?

Que s’est-il passé juste après la fusillade ?

Comment réagiriez-vous si vous vous trouviez face aux hommes qui ont tiré sur vos proches ?

Avez-vous développé un sentiment de haine envers ces autres sociétés où la façon de penser est différente ?

Êtes-vous retournée en Arabie Saoudite ?

Saviez-vous à quel groupe appartenaient les terroristes ?

Comment avez-vous été prise en charge par l’ambassade ?

Comment avez-vous vu pu surmonter cette épreuve ?

Les élèves s’expriment sur les victimes du terrorisme

Pendant 40 minutes, un petit groupe de 8 élèves a pu s’isoler et travailler à partir du catalogue de l’exposition « Europe contre le terrorisme, le regard de la victime » sous la direction de Stéphane LACOMBE (AfVT.org).

Chacun a choisi une photo qui le touchait et a écrit un texte personnel sur ce qu’elle lui inspirait.

Les élèves ont ainsi pu s’exprimer librement sur le terrorisme et ses conséquences sur la société civile.

Voici leurs travaux tels qu’ils ont été écrits, sans modification :

 

Photo Claudio ALVAREZ
Photo Claudio ALVAREZ

11 mars 2004 : Madrid, Espagne. Un agent municipal constate l’ampleur de la destruction devant l’un des trains éventrés lors des attentats du 11 mars 2004.

« C’est dans ce genre de visage que l’on peut lire l’atrocité du terrorisme. Le regard est vide, l’homme est dépassé par les événements, la main sur le front, il est en train de réaliser l’ampleur de la situation. La photo ne symbolise pas seulement le traumatisme d’un homme, mais celui d’un pays tout entier. »
KILLIAN, 18 ans

Photo (c) Reuters
Photo (c) Reuters

24 mai 2004 : Madrid, Espagne. Des Espagnols regardent les écrans télévisés qui transmettent en direct les funérailles des 192 victimes des attaques du 11 mars 2004.

« Le déchirement, le désespoir que l’on peut lire sur les visages me vont droit au cœur. Dans la légende, j’ai lu que ces personnes ne connaissaient pas individuellement les victimes, je trouve que c’est une magnifique leçon d’amour, de solidarité, de fraternité au sein de l’humanité. C’est une image chargée d’émotions, très touchante ».
ANOUCHKA, 16 ans

Photo (c) AFP Photo / Joël SAGET
Photo (c) AFP Photo / Joël SAGET

14 septembre 2006 : Paris, France. D’après le Premier Ministre Dominique de VILLEPIN, la France est en « situation de risque ». Ayman Al-ZAWAHIRI, le numéro 2 d’Al-Qaïda, a menacé la France en même temps qu’il acceptait le groupe algérien GSPC comme membre officiel d’Al-Qaïda. C’est dans ce contexte tendu que ce soldat français patrouille devant la Tour Eiffel.

« Cette photo montre toute l’ampleur du terrorisme. De nombreuses personnes ne se sentent pas concernées, mais le jour où il frappera chez eux, ils seront les premiers à le bannir. Le terrorisme est omniprésent, il surgit n’importe où et n’important quand, et quand il frappe, c’est pour augmenter le nombre de personnes mortes pour les causes justes qu’elles défendaient. Ils tuent au nom d’une cause « juste », le nombre de tués sur leur passage importe peu. »
MATTHIEU, 18 ans

Photo (c) Justin LANE / POOL / AP
Photo (c) Justin LANE / POOL / AP

11 septembre 2011 : New York, États-Unis. Robert PERAZA, 68 ans, a perdu son fils Robert David PERAZA dans l’attaque du World Trade Center. Il se recueille devant le nom de son fils sur le bassin côté Tour Nord du mémorial, avant la cérémonie du dixième anniversaire de l’attentat.

« Cette photo est extrêmement touchante pour moi, je l’avais déjà vue sur internet. Ce qui me touche en particulier est le recueillement qu’a cet homme envers son nom écrit sur le bassin côté Tour Nord du mémorial. Car chacun de nous a pu perdre un de ses proches (ce qui m’est arrivé), et le fait de se recueillir permet d’avoir encore une approche envers celui ou celle que l’on a connu, avec qui nous avons vécu des moments plus ou moins forts. Le fait que ce soit encore plus beau est l’amour que le père a toujours envers son fils, mais le plus important dans ça est que ce n’est pas l’un des seuls à avoir perdu un proche dans cet attentat, plus de 3000 personnes sont décédées par un acte terroriste, et que malgré cela, on ne les oublie pas ! »
DOMITOLLE, 18 ans

Photo (c) Manuel ESCALERA
Photo (c) Manuel ESCALERA

12 mars 2004 : Madrid, Espagne. Plus de deux millions de citoyens espagnols manifestent dans la rue le lendemain de la pire attaque terroriste commise en Europe. Des bombes ont explosé dans plusieurs trains de banlieue le matin du 11 mars 2004, faisant 192 morts et plus de 1800 blessés.

« Une gigantesque marée humaine s’étend sous nos yeux. La mobilisation de toute une population qui revendique la sécurité. Cette manifestation de 2 millions d’Espagnols chercher à mettre en lumière une certaine sensibilisation de la société face au terrorisme ».
FIONA, 17 ans

Photo (c) AFP Photo / Kenzo TRIBOUILLARD
Photo (c) AFP Photo / Kenzo TRIBOUILLARD

19 mars 2012 : Paris, France. La foule porte une banderole où l’on peut lire « En France, on tue des Noirs, des Juifs, des Arabes » à l’occasion de la marche blanche organisée dans les rues de Paris le 19 mars 2012 après la fusillade devant l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse. Quatre personnes, dont trois enfants, ont été tuées, une autre a été grièvement blessée.

« Cette photo représentant une marche blanche en l’honneur des morts de l’école juive de Toulouse me touche beaucoup. Bien plus qu’à un événement particulier, elle fait écho à toutes les monstruosités perpétrées au nom de la haine, de telle ou telle idéologie… Des périodes de l’Histoire que j’ai découvertes dans mon enfance et mon adolescence, au lycée ou au contact de gens, comme les manifestants de la photo, protestant contre le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie… Et je trouve primordial le développement d’associations comme la vôtre, pour prévenir, rationaliser nos peurs et en faire quelque chose d’utile. »
SOLINE, 16 ans

Photo (c) AFP photo / Jean AYISSI.

12 mars 2004 : Paris, France. Manifestation de soutien aux victimes de l’attentat meurtrier de Madrid qui a fait 192 morts et plus de 1800 blessés.

« L’injustice du terrorisme nous indigne. Nous sommes les enfants du monde, et tel comme des enfants, nous sommes tous innocents du conflit idéologique et orgueilleux qui se passe chez les grands.
Nous ne voulons plus de vos menaces, de vos attentats, de vos prises d’otages dont nous sommes victimes (et tous concernés). Laissez-nous tranquille.
Le regard de cette femme, les mains levées en l’air et peintes en blanc (synonyme de paix), nous renvoient ce ras-le-bol, cette injustice, cette innocence.
Imposer une idée, une volonté, un régime par la violence est une marque de faiblesse. »
AMANDINE, 17 ans

Photo (c) EFE / David AGUILAR.

16 octobre 2002 : Vitoria, Espagne. Un ouvrier apporte la touche finale au monument en mémoire des victimes du terrorisme conçu par Agustin Ibarrola comme un « sentier de la souffrance ».

« Cette photo est profondément touchante car on voit un homme à genoux en un signe qui peut être pris pour une génuflexion commémorative par rapport aux événements et aux actions terroristes. Il clôture une sculpture qui a une symbolique gigantesque dans le sens où, sur chaque cercle de pierre, est gravé le nom d’une personne qui était mais qui n’est plus à cause du terrorisme. Pour finir, je dirais que le cadre est magnifique.
La météo grisonnante pour illustrer un acte de glorification de la mémoire des morts. Ainsi qu’une condamnation par la sobriété qui fait le décor.
Ma dernière remarque est l’expression « sentier de la souffrance » dans la description. En regardant cette photo et en lisant ce morceau de phrase, on sent à quel point le terrorisme coûte à ses victimes. »
TANGUY, 17 ans

Remerciements

413 fiches d’évaluation remplies par les élèves ont pu être recueillies par l’équipe pédagogique.

Tous nos remerciements s’adressent à :

Jean-Louis NORMANDIN et Anaële ABESCAT qui ont livré leur témoignage avec sincérité et dévotion.

Olivier MOISAN, Directeur du lycée Saint-Paul.

Stéphane GIRARDOT, Animateur en pastorale scolaire.

Les élèves Amandine, Anouchka, Domittole, Fiona, Killian, Matthieu, Soline et Tanguy pour leur travail en atelier.

La Fundacion Miguel Angel BLANCO qui a conçu l’exposition « Europe contre le terrorisme, le regard de la victime ».

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